Demopolis, 2015, 19 euros. Acheter en ligne à La Brèche.Depuis des années, Eddy Khaldi produit des travaux de valeur pour les défenseurs de l’enseignement public. Sous sa responsabilité, les éditions Demopolis viennent de rééditer ce livre utile.
Le texte de Pivert fournit de bien utiles éléments historiques. Ainsi Pivert décrit-t-il les affrontements qui ont eu lieu depuis 1789 autour de la question de la place de la religion, notamment dans l’enseignement (d’où l’attachement des enseignantEs à cette laïcité). Mais sans doute aurait-il fallu s’attarder plus sur la séparation de l’Église et de l’État (1905).On sait que les lois laïques furent promulguées par l’alliance des socialistes et de la bourgeoisie progressiste (radicale). Pivert décrit la rupture de cette alliance après 1918, l’Église acceptant de s’intégrer à la République bourgeoise.Dans une seconde partie du livre, Pivert tente de formuler une politique propre au mouvement ouvrier. D’où une série de chapitres où Ferry et ses successeurs sont critiqués pour leur neutralité vis-à-vis du fait religieux. Pour Pivert : « l’idéal social de l’école laïque s’oppose à l’idéal divin des religions ». Ceci étant, cet athéisme revendiqué se refuse au bourrage de crâne : « en aucun cas imposer à l’enfant un dogmatisme quelconque, même le nôtre », écrit-il.
Et aujourd’hui ?La préface de Eddy Khaldi vise à compléter cette histoire en évoquant des questions actuelles. Revenant sur la situation ouverte par les attentats de janvier, Khaldi rappelle la grande hypocrisie qu’on trouve derrière cette pseudo-unanimité « laïque » (mais qui masque mal la xénophobie des Sarkozy, Le Pen...). Malheureusement cette partie de l’étude s’avère trop courte.Par contre, la préface s’avère utile pour retracer l’offensive de la réaction pour « remarier l’Église et l’État ». Là encore, il retrace de façon très claire la mise en œuvre d’un véritable concordat scolaire, d’un partage des responsabilités scolaires entre Église et État à partir de la promulgation par de Gaulle de la loi Debré (1959), la dynamique qui s’instaure alors, visant à vider de leur contenu les lois laïques, se poursuit. « Dans la transmission des valeurs (...), l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé », disait Sarkozy en 2004...Mais surtout, Khaldi relie aspects idéologiques et sociaux de la question. Pour lui « le communautarisme et la marchandisation » sont les dangers qui menacent l’École. Derrière la question religieuse, le développement des établissements privés est celui d’un dispositif où règne la discrimination sociale, niant le droit à un enseignement égal pour tous. Et la situation ne fait qu’empirer, notamment avec la loi Carle, une amorce de « chèque éducation », le dispositif prôné par les libéraux pour démanteler-privatiser l’enseignement public...Au final, cette réédition s’avère donc fort précieuse. À lire, donc !
Pascal Morsu