Publié le Lundi 17 février 2014 à 07h53.

Essai : Les droites et la rue, histoire d’une ambivalence, de 1880 à nos jours

Danièle Tartakowsky, La Découverte, 2014, 18 euros.

L’auteure, qui a déjà beaucoup travaillé sur les manifestations ouvrières et de gauche, a utilement décidé à réinterroger plus d’un siècle de manifestations de droite, cela à l’issue des huit mois de manifestations contre le mariage pour tous. À la lecture de cet ouvrage érudit, nourri d’épisodes oubliés, on s’aperçoit que la manifestation de rue fait partie intégrante du combat politique depuis fort longtemps. Les réactionnaires, l’église catholique, la droite et l’extrême droite ont organisé des manifestations de rue d’une ampleur exceptionnelle qui ont eu des effets très importants, comme la manifestation gaulliste du 30 mai 1968.

L’église catholique est à l’origine des manifestations de 1906, au moment de la séparation des églises et de l’état, mais aussi contre la prise de distance du Cartel des gauches élu en 1924 avec le Vatican,  pour la défense de l’école confessionnelle en 1984, et bien sûr plus récemment contre le mariage pour tous.

Pour les nationalistes-patriotes et l’extrême droite réactionnaire, la manifestation de rue, y compris à caractère insurrectionnel comme le 6 février 1934, a toujours fait partie de la panoplie de leur action. Lors de sa manifestation du 1er Mai, le FN emprunte l’itinéraire qui fut celui des ligues et de l’action française jusqu’en 1935. Dès 1887, les boulangistes manifestent devant l’Assemblée et empêchent l’élection de Jules Ferry. Mais c’est surtout dans les années de l’entre-deux guerres que les organisations extra parlementaires, les ligues, les royalistes et les groupes fascistes, multiplient les actions de rue parfois violentes, jusqu’à l’apogée à partir de janvier 1934, contre le cartel des gauches, et provoquent le retour de la droite à la tête de l’état à la suite du 6 février 1934.

Le Front populaire, la grève générale, puis ensuite le rôle de ces courants dans la collaboration, vont limiter leur expression dans la rue. Les mobilisations des petits commerçants poujadistes, puis celles de mai 1958 à Alger, sont les exceptions. La manifestation du 30 mai 1968, qui se déroule  sur les lieux du 6 février 1934, clôt ce cycle. Cet ouvrage nous apporte une contribution inhabituelle et très intéressante sur ce qui a évidemment aidé à redéfinir la place de la manifestation dans le système politique actuel.

Patrick Le Moal