Publié le Mercredi 6 décembre 2017 à 21h56.

Essai : Six mois rouges en Russie

De Louise Bryant. Éditions Libertalia, traduit de l’anglais (USA) par José Chatroussat (2017), 372 pages, 10 euros. 

Beaucoup de nos lectrices et lecteurs connaissent le fameux Dix jours qui ébranlèrent le monde de John Reed. Mais les écrits de Louise Bryant, journaliste en Russie et compagne de John Reed, gagnaient à être connus. C’est chose faite avec la parution de ce livre écrit en 1918, enfin traduit en français en cette année du centenaire de la révolution d’Octobre.

Il ne s’agit ni d’une étude historique ni d’un essai politique, mais d’une compilation d’articles écrits par l’auteure entre septembre 1917 et février 1918 en tant qu’envoyée spéciale, « correspondante de guerre » des journaux étatsuniens Metropolitan et Seven Art.

Anecdotes, détails et portraits

Ces articles, à la fois empreints de naïveté et d’une réelle empathie à l’endroit des masses russes en révolution, fourmillent d’anecdotes, de détails et de portraits nous plongeant dans ces mois et ce contexte effervescents.

Louise Bryant se promène à Petrograd, de Smolny au palais d’Hiver en pleine révolution. Elle va bien sûr, avec une facilité déconcertante, croiser et s’entretenir avec les anonymes que sont les gardes rouges, les marins de Cronstadt, mais aussi avec Léon Trotski, Alexandra Kollontaï, Maria Spiridonova… Elle va approcher aussi bien Lénine que les « junkers » contre-révolutionnaires ou les femmes du bataillon de la mort.

Elle dépeint à la fois les difficultés de ravitaillement, la pauvreté, la faim, tout en insistant sur la formidable volonté du peuple russe en lutte, ce goût de la vie dans ces premiers mois de la révolution, de lecture, de fréquentation des théâtres, d’innovations diverses et improbables. 

Petits épisodes et grands moments 

« Lors de mon séjour en Russie, j’ai vécu nombre de petits épisodes qui, en eux-mêmes, n’ont pas une importance particulière. Mais, mis bout à bout, ils permettent de mieux faire ressentir l’atmosphère au lecteur qu’avec un tableau murement réfléchi »

Petits épisodes mais grands moments lorsqu’elle aborde la dissolution de l’Assemblée constituante avec textes à l’appui, les rencontres avec Kerenski avant sa fuite ou sa présence sur des zones de guerre effectives.

Par ailleurs, Louise Bryant exprime, par ses articles, une réelle volonté de faire comprendre le processus révolutionnaire à ses compatriotes étatsuniens, sachant que la Première Guerre mondiale n’est alors pas terminée, loin de là....

Un ouvrage stimulant et rafraichissant qui nous donne à voir les travailleuses, les travailleurs, le peuple en auto-activité pour transformer la société, jusqu’à ces enfants scolarisés et organisés en comité, proclamant la défiance…

Le livre se termine par une courte lettre évoquant la mort de son compagnon, John Reed, en 1920 en Russie.

Thomas Delmonte