Publié le Mardi 26 juillet 2011 à 22h38.

Expo. Du nouveau sur les femmes de la préhistoire

L’importance symbolique des figurations féminines à la fin du paléolithique, tel est le sujet neuf qu’aborde l’exposition « Mille et une femmes de la fin des temps glaciaires », visible jusqu’au 17 septembre au musée national de préhistoire des Eyzies (Dordogne).«La question de la place et du rôle de la femme est restée marginale dans les enquêtes sur la préhistoire. En France, c’est l’homme préhistorique qui alimente les débats scientifiques en paléo-anthropologie et en préhistoire depuis le début du xixe siècle… Longtemps la femme fut réputée archéologiquement invisible. » À ces remarques de Claudine Cohen (à qui l’on doit la Femme des origines, Belin, 2004) il faudrait ajouter tout ce qu’ont véhiculé de machisme les romans dérivés de la Guerre du feu ou les bandes dessinées à la Rahan, admettant à peine une « Naouna » pour assurer une descendance au « fils de Craô ». Reste qu’un chercheur américain, Dean Snow, étudiant les « mains en négatif » sur les parois de grottes ornées au cours du Paléolithique supérieur, a montré qu’elles appartenaient à des femmes, qui ont ainsi participé de façon certaine à ces peintures pariétales.

Jusqu’où purent aller leurs expressions artistiques durant ces dizaines de millénaires, on ne le saura sans doute jamais. Prirent-elles part ou non à la création de toutes ces « Vénus » de Lespugue, de Laussel et d’ailleurs, sculptées voilà environ 25 000 ans (Gravettien) et si généreusement pourvues de masses adipeuses qu’on y a vu le plus souvent des symboles de fertilité ? Posant la question « Quel régime pourriez-vous adopter cet été ? », Elle du 1er juin 2011 n’avait pas tort de répondre : « moins 3 kilos en mangeant sain : le régime paléolithique », car « nos ancêtres du Paléolithique ne connaissaient ni surpoids, ni obésité, ni diabète, ni maladies cardio-vasculaires », mais plus vraisemblablement la sous-alimentation. On n’oserait assurer avec ce magazine que « vivre au xxie siècle comme une chasseuse-cueilleuse, c’est facile », mais, pour dater du Magdalénien supérieur et final (13 500-12 500 av. J.-C.) où un début de réchauffement climatique vit les glaciers céder la place à la toundra et au gibier qui s’en nourrissait, la plupart des « figurations féminines schématiques » au centre de cette exposition ont en effet, comme dans Elle, le ventre plat.

Connues depuis longtemps (1864 pour la « Vénus impudique » découverte près des Eyzies), ces figurations n’avaient jamais été étudiées de si près. Gravées en nombre sur des pierres et des parois de grottes en association avec des symboles sexuels, ou sculptées séparément dans l’ivoire ou le silex, parfois pour servir de pendentifs, elles paraissent révéler une « culture européenne » étendue des Pyrénées à la Pologne, en passant par l’Allemagne, la Suisse et la République tchèque, d’où viennent maintes pièces présentées aux Eyzies. Il semble un peu tôt pour affirmer que cette culture a pris sa source en Dordogne, comme le veut J.-J. Cleyet-Merle, directeur du musée et commissaire de l’exposition, ou que ces « figurations féminines schématiques » évoqueraient des danses érotiques en rapport avec la « communauté sexuelle » égalitaire dont l’humanité primitive aurait tiré une part de sa « vitalité naturelle », selon Marx et Engels. Cette exposition montre en tout cas les beaux progrès des spécialistes actuels dans la connaissance des conditions de vie des femmes et des hommes de la fin du Paléolithique.

Gilles Bounoure