Musée d’art moderne de la Ville de Paris, du 5 avril au 25 août 2024.
Une occasion manquée, même si des artistes sont à découvrir ou revoir, comme Mohammed Racim ou Yahia Turki, et donne envie d’en savoir plus. Pour la première exposition d’importance en France sur l’art moderne arabe, l’enjeu était de taille. Poser la question, souvent occultée, de l’émergence de la modernité dans les pratiques artistiques dans le contexte du colonialisme, puis sa crise et les combats et conflits qui vont aboutir aux indépendances... Des solidarités politico-artistiques aux problèmes qu’ont rencontrés les artistes sous les régimes issus de ce processus inabouti.
Les artistes sont nombreux, qu’ils représentent le monde, le métamorphosent, créent un univers onirique ou cauchemardesque, travaillent la matière ou le signe, voire essayent d’articuler modernité et traditions vernaculaires, universalisme et régionalisme. Le résultat est très décevant, car il y un trop-plein de thématiques et d’artistes qui oblige à la simplification à outrance. Un certain nombre des choix relèvent plus de critères diplomatiques et institutionnels, arbitraires voire très contestables. Cela noie dans un fourre-tout inégal les artistes les plus originaux.
Impression de fourre-tout
Les peintres et mouvements solidaires des combats et du processus de décolonisation sont présentés de façon partielle et surtout partiale (comme si c’était du côté de la seule figuration que cela s’était passé, ce que le Manifeste des 121 pour l’indépendance de l’Algérie dément radicalement). À trop présenter et mal choisir, on réduit l’espace réservé aux œuvres des artistes. Et on les cantonne à une situation qui rend leur cheminement peu perceptible voire lacunaire ! CertainEs sont surestiméEs, d’autres sont représentéEs de façon insatisfaisante (comme Fouad Bellamine, Mahjoub Ben Bella ou Samta Benyahia) ; sans compter les absences incompréhensibles. Il y a des regroupements où sculptures et peintures sont très mal assemblées (Georges Koskas et Saloua Rouada Choucair).
Rien ne justifie de ne pas avoir choisi l’année symbolique de 1962 comme date de naissance, ce qui aurait permis de voir des artistes comme Jellel Gastelli, Djamel Tatah ou Saoumi. Trois expositions plus ambitieuses étaient possibles : A :1908-1940, l’art arabe face à la modernité ; B : 1945-1990, un présent conflictuel (en terminant l’année de la première guerre du Golfe) ; C : les artistes européens face à la décolonisation.
Le tout accompagné d’un choix plus rigoureux. Il reste cependant de belles présences éparpillées (entre autres Etel Adnan, Baya, Ben Salem, Huguette Caland, Jamil Hamoudi).
Philippe Cyroulnik