Publié le Dimanche 24 novembre 2013 à 17h25.

Exposition : Albums. Des histoires dessinées entre ici et ailleurs. Bande dessinées et immigration 1913 -2013.

Jusqu’au 27 avril 2014. Musée de l’Histoire de l’immigration (Paris 12e).

Au moment où l’expulsion de la jeune lycéenne Leonarda réveille enfin la gauche et la jeunesse, l’exposition du musée de l’Histoire de l’immigration à Paris tombe à pic.Image retirée.

L’immigration est une chance pour le 9e art. Dans l’histoire, de nombreux grands artistes occidentaux (peintres, musiciens, écrivains) furent issus de l’immigration, et la bande dessinée n’échappa pas à ce mouvement. Depuis les premiers « funnies » américains du début du XXe siècle dessinés par des migrants venus d’Europe orientale jusqu’au succès récent de Persepolis par la jeune Iranienne Marjane Satrapi, les rapports entre la bande dessinée et l’immigration sont notoires. Au moment où Astérix est célébré au Grand Palais, rappelons que son scénariste Goscinny était originaire de Pologne et son dessinateur Uderzo d’Italie. L’américain Will Eisner et l’argentin José Munoz émergent de la première vague. Baru, Farid Boudjellal et Enki Bilal feront partie de la génération suivante. Puis la BD se mondialise et les auteurs africains rejoignent le thème Afrique avec Marguerite Abouet (Aya) ou Pahé par exemple.

De la fiction à la BD reportageDu début du XXe siècle à aujourd’hui, la BD a connu de nombreuses transformations. Elle est devenue un média militant à sa manière, les BD reportage sur des sujets d’actualité ou historiques devenant un vecteur de popularisation de causes souvent désespérées. Le droit des immigrés occupe une place importante chez Stassen, tout comme la Palestine pour Jo Sacco, tandis que les enfants des immigrés républicains espagnols iront fouiller la mémoire de leurs parents. La contribution de Ribera et Roca sur la « retirada » est d’une puissance sans équivalence en comparaison des arts dits majeurs.Le combat des clandestins ou en défense des clandestins occupe une place importante avec la nuit des clandestins de Christin et Ceppi ou avec les œuvres plus récentes de Ducoudray, Pourquié ou Alagbé (Nègres jaunes).Mais là où l’apport révolutionnaire de la BD sur l’immigration est incontestable, c’est dans la place prise par la femme. Non seulement le migrant homme cède bien souvent la place à la lutte de la femme migrante, mais les auteurs se féminisent, en particulier chez les auteurs africains de quelque confession fussent-ils ou elles...

Travelling sur l’immigrationDes raisons politiques, économiques ou personnelles poussent le migrant à quitter son pays d’origine pour s’installer ailleurs. Le « story-board » sera toujours à peu près le même : exposition des raisons et des préparatifs du départ, le voyage et ses dangers, puis l’arrivée. La mer et l’horizon matérialisent la notion de frontière physique mais aussi la frontière mentale qui sépare les cultures. Viendra ensuite le thème du retour pour le migrant lui-même ou ses descendants. Que ce soit au Portugal (Cyril Pedrosa), en Afrique (Stassen) ou en Asie (Baloup, Mémoires de Viet Kieu), l’émotion sera toujours au rendez-vous.L’exposition est ouverte jusqu’en avril. Laissez-vous guider par votre instinct. Les immenses diapos d’arrivée de migrants qui défilent à l’accueil vous saisiront tout de suite et vous n’oublierez pas ces mots de Goscinny : « J’aime beaucoup les étrangers, j’ai longtemps été étranger moi-même. »

Sylvain Chardon