Publié le Mercredi 29 septembre 2021 à 14h05.

Face à la menace fasciste, de Ludivine Bantigny et Ugo Palheta

Éditions Textuel, 128 pages, 14,90 euros.

Le capitalisme envahit l’ensemble de nos relations, s’incruste dans chacune de nos vies. Mais devant la brutalité des contre-réformes, la destruction progressive de nos services publics, la paupérisation massive et l’accumulation scandaleuse de richesse par une minorité, la démocratie bourgeoise ne parvient plus à obtenir l’hégémonie nécessaire à la classe dominante. En l’absence de celle-ci, elle se tourne alors vers l’État, seul autorisé à exercer sa « violence légitime », c’est-à-dire d’exercer une répression massive contre ce peuple indocile !

Un capitalisme autoritaire

Depuis 2015 en France, l’État d’exception a remplacé l’État de droit, l’état d’urgence sanitaire succédant à l’état d’urgence. La lutte contre le terrorisme et la « gestion » de la pandémie sont saisies comme des opportunités pour nous museler davantage, accentuer la chasse aux migrantEs et plus généralement aux personnes précaires.

Macron va développer deux politiques interdépendantes : l’autoritarisme et le racisme systémique, qui vont notamment se traduire par l’adoption de deux lois s’ajoutant à la vingtaine de lois liberticides votées en 30 ans, les lois « sécurité globale » et « contre le séparatisme ». L’une renforce l’impunité, l’équipement et les prérogatives de la police et permet l’armement des agents des sociétés privées de sécurité, tandis que l’autre instaure la désignation d’un bouc-émissaire. Cela renforce la présomption d’innocence des uns et la présomption de culpabilité des autres !

Nourrie d’idées d’extrême droite, dont celle de l’« ensauvagement des quartiers populaires » ou la « crise civilisationnelle », cette politique va avoir de lourdes conséquences : la droitisation d’une très grande partie de la classe politique qui se cale sur l’agenda de l’extrême droite devenu en partie celui du gouvernement, et les divisions exacerbées entre les exploitéEs. Le nombre et la violence des agressions, en particulier islamophobes, augmentent, ainsi que celles contre les personnes solidaires ou/et les manifestantEs.

Des éléments de fascisation

La concentration des pouvoirs dans les mains de Macron est un de ces éléments. Pourtant, on ne vit pas en dictature. Ni les institutions issues de la Constitution de 1958 ni les organismes de contre-pouvoir ne sont supprimés, mais ils sont contournés et vidés de leur sens.

L’évolution de la police en est un autre. Composée de policiers surarmés avec notamment des armes de guerre, votant à 70 % pour l’extrême droite, nombreux à pratiquer un racisme ordinaire et toléré, documenté aujourd’hui par certains de leurs collègues, la police tend à s’autonomiser et n’hésite plus à manifester en tenue et en armes sur les Champs-Élysées ou devant l’Assemblée nationale, accompagnée dans cette démarche factieuse par Darmanin, ministre de l’Intérieur !

Ce livre rappelle aussi que les violences policières contre les jeunes néEs de parents issus des anciennes colonies, les migrantEs ou les Roms sont d’une tout autre nature que celles contre les manifestantEs. Ces dernierEs sont réprimés, très violemment, pour ce qu’ils et elles font, les autres pour ce qu’ils et elles sont, en raison de leur propre origine, de celle de leurs familles ou de leur appartenance supposée à la religion musulmane.

Une Constitution qui permet le bonapartisme ; de grands médias dirigés par les grands patrons de l’armement, du luxe, et des travaux publics qui diffusent la peur et la haine de l’autre ; une police de plus en plus autonome ; une armée qui exprime dans la presse qu’elle est prête à une action forte, une répression de très haute intensité : si Le Pen gagne le pouvoir par les urnes, elle n’aura plus qu’à s’installer !

Fascisation n’est pas fascisme

La démocratie des dominants, au service de leurs intérêts, qui consiste essentiellement à neutraliser notre classe, n’est ni à réformer ni à approfondir comme le proposent les gauches qui gèrent les institutions. Notre démocratie, au contraire, s’inscrit dans les grandes heures des mouvements d’émancipation ; la Commune en est une ! Alors l’antifascisme ne peut être un combat à part, il doit être « constituant » de l’ensemble de nos terrains de lutte, à l’intérieur de toutes les autres, syndicalisme, féminisme, antiracisme, écologie… Pour aller jusqu’au bout dans l’unité et enfin renverser le système capitaliste. La menace fasciste est sérieuse, notre détermination et notre préparation doivent l’être beaucoup plus !

Paru dans le n°394 de solidaritéS (Suisse)