Film grec de Nikos Labôt, 1 h 30, sorti le 1er mai 2019.
Dans une Grèce où la crise n’est plus que le nom du quotidien, où les informations diffusent des nouvelles de manifestations que l’on n’écoute même plus, Panayota est femme au foyer. Elle partage son temps entre les tâches domestiques et la lecture de l’horoscope, qu’elle déchiffre difficilement. Le chômage prolongé de son mari, la hausse des prix, la fonte de toutes leurs économies, la contraignent, pour la première fois, à occuper un emploi salarié.
Itinéraire paradoxal
Au travers de la vie de cette travailleuse grecque, qui aurait pu être de partout, et qui desserre la dépendance à son mari en tombant dans l’exploitation par le capital, le film montre avec une grande justesse comment l’étau du sexisme s’enracine dans les rapports de production capitalistes. Cet itinéraire paradoxal, forcément inabouti, montre une promesse d’égalité que le capitalisme est incapable de tenir. C’est toute la force de ce film de savoir développer son propos avec une rigueur émouvante, par un grand soin apporté à la construction vivante de son personnage. On peut, en revanche, regretter que les duretés du travail de Panayota ne soient pas assez manifestes, évoquées comme en passant, ou que la liaison entre son existence individuelle et un système social plus ample se fasse de manière moins cohérente que l’aller-retour entre la sphère familiale et celle du travail.
Sortir du foyer, pour aller où ?
Le propos féministe du drame esquisse de quoi nourrir des discussions prolongeant sa critique sociale. Être embauchée comme femme de ménage dans un centre commercial sur le point d’ouvrir, c’est découvrir un monde en dehors de la famille, et rencontrer des collègues. C’est apprendre à conduire (la voiture-aspirateur), sentir l’accomplissement de ramener son propre argent au foyer. C’est aussi se voir reconnaître dans un travail salarié pour des tâches jusque-là toujours faites sans un merci, ni un euro. Même si c’est une misère que l’on gagne en accumulant les heures supplémentaires. Même si, hors du foyer, Panayota rencontre l’exploitation capitaliste à visage découvert, la rapacité patronale, les vertiges de fatigue, et les copines qui partent, virées les unes après les autres, rarement remplacées. Mais que peut-on y faire ? Un travail comme ça, un travail à soi, c’est trop important pour le risquer en se battant pour les autres. Et si on travaille dur, il n’y a rien à craindre. Non ?
Gaspard Janine