Publié le Mercredi 21 avril 2021 à 13h29.

Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie

Mai 2021-février 2022 au Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy–l’Asnier, Paris IVe.

Au moment où, avec l’appui public du Premier ministre Netanyahou, des partis ouvertement racistes et homophobes font leur retour en force à la Knesset (Parlement israélien), le Mémorial de la Shoah propose une exposition bienvenue sur un « Enjeu de mémoire, le destin des “triangles roses” qui a longtemps été́ invisibilisé. Grâce à̀ de nombreux documents originaux, l’exposition rend compte du sort des homosexuels et des lesbiennes sous le régime nazi, entre stigmatisation, persécution et lutte pour la reconnaissance. »1

En 2021, pour la première fois en France, un musée d’histoire, le Mémorial de la Shoah, va donc retracer de manière chronologique et thématique l’histoire de la persécution des homosexuels et lesbiennes sous le Troisième Reich en s’appuyant sur une riche sélection de documents pour la plupart jamais présentés en France.

L’exposition est prévue pour ouvrir en présentiel en mai mais la librairie du musée et le centre de documentation sont d’ores et déjà ouverts.

Un long chemin pour l’émergence de la vérité

Longtemps tabou, le destin des « triangles roses » ne commença à être débattu publiquement qu’à la faveur du mouvement de libération gay et lesbien des années 1970. Les premières recherches historiques d’envergure pouvaient alors ­seulement commencer.

Le début du 20e siècle avait vu l’épanouissement d’une subculture homosexuelle dans les grandes capitales européennes (Berlin et Paris principalement) et la naissance des premiers mouvements militants. Malheureusement, les préjugés homophobes, relayés notamment par les discours religieux et médicaux, étaient fortement ancrés et l’homosexualité proscrite. Le discours nazi prit racine sur ce terreau fertile, avant de trouver sa concrétisation dans la mise en place d’un système répressif de plus en plus radical et meurtier.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, rares furent les hommes et les femmes à témoigner du sort qui leur fut réservé sous le régime nazi. En Allemagne, ils se virent même nier le statut de victimes, du fait notamment du paragraphe 175 du Code pénal allemand, criminalisant les relations sexuelles entre hommes, qui resta en vigueur après 1945. Il en fut de même dans la plupart des pays d’Europe et le sujet fut largement occulté.

Une persécution de masse au niveau du continent

Quelle fut la nature des persécutions ? Combien de personnes furent touchées ? Tous les homosexuels furent-ils visés ? Quel fut le sort des lesbiennes ? Quels furent les territoires concernés par la répression, notamment en France ? S’appuyant sur une variété de documents, la plupart jamais présentés en France, cette exposition se propose de répondre à ces multiples interrogations en replaçant la persécution des femmes et des hommes homosexuels sous le régime nazi dans un cadre géographique large – même si l’Allemagne et la France sont privilégiées – et dans un temps long car l’homophobie était pratiquement la règle en Europe. Le paragraphe 175 ne s’appliquait qu’aux ressortissantEs du Reich, allemands et habitantEs des territoires annexés, comme par exemple l’Alsace-Moselle. Le sort des homosexuelEs dans les pays alliés de l’Allemagne, comme l’Italie, ou occupés par elle, a pu différer de manière sensible sur le même fond d’horreur.

Sur près de 100 000 homosexuels fichés par le régime, 50 000 environ firent l’objet d’une condamnation ; entre 5 000 et 15 000 furent envoyés en camp de concentration, où la plupart périrent. Les lesbiennes restaient quant à̀ elles hors du champ de la loi, sauf dans certains territoires, comme l’Autriche, et certaines furent déportées comme « asociales » ou « communistes ». Et bien sûr nombre de femmes et d’hommes homosexuelEs pouvaient être juifs, communistes, résistants mais parfois aussi sympathisants du régime nazi. L’exposition rend compte de tous ces parcours individuels et collectifs.

Un cycle de conférences, en prolongement de l’exposition, permettra d’approfondir ces différentes thématiques pour les inscrire dans le temps présent.

  • 1. Florence Tamagne, commissaire scientifique de l’exposition, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité.