Publié le Mercredi 15 décembre 2021 à 12h00.

Je ne veux pas être maman, d’Irène Olmo

Scénario et dessin d’Irene Olmo, traduction de Léa Jaillard. Edition Bang 110 pages, 15 euros.

Ancienne élève des Beaux-Arts de Séville et Valence, Irene Olmo est illustratrice pour de nombreuses maisons d’édition et des périodiques espagnols. Elle participe aussi à des fanzines et, en 2019, à quarante ans, elle a décidé de se lancer dans la BD en publiant un récit autobiographique, No quiero ser mama, qui a rencontré un large écho en Espagne dans les milieux féministes et bien au-delà. C’est ce récit qui est aujourd’hui publié en français par les éditions Bang de Barcelone.

« La maternité est un choix qui trouve un sens au sein d’un projet de vie déterminé. Il ne peut jamais être un projet de vie en soi » : Irene ne veut pas d’enfant et l’assume pleinement en luttant contre la pression sociale. Ce roman graphique espagnol questionne la « normalité » imposée de manière consciente ou non par la société et la tradition, pas seulement chrétienne, aux femmes. Un lent cheminement pour apprendre la tolérance, le respect de l’autre et de ses décisions.

Un récit autobiographique

Irene est une petite fille comme les autres. Elle joue à la poupée avec ses sœurs et ses copines, elles se taquinent et veulent des douzaines d’enfants. Un jour, elle va même jusqu’à se grimer avec un gros ventre et des accessoires divers. Mais plus le temps passe, plus Irene grandit et plus elle se pose des questions. Au collège, il se raconte dans la cour que plusieurs filles sont tombées enceintes. Irene pense qu’elles devraient affronter les conséquences de leurs actes. Mais quand c’est sa meilleure amie qui tombe enceinte et qu’un débat sur l’avortement est organisée en classe, elle se propose pour l’animer. Son professeur l’incite à se mettre dans la peau de son amie pour comprendre les problèmes qu’elle rencontrerait si elle-même avait un fils ou une fille. Irene commence alors à dépasser les préjugés de la société patriarcale et à défendre l’avortement.

Puis les années filent, ses amiEs deviennent parents, tous ne parlent plus que de leurs gamins. Elle se sent rejetée. Elle n’est pas mère, elle n’est pas une « vraie femme accomplie ». Sa famille la pousse, celle de son ami aussi, des petites phrases assassines lui sont dites naturellement qui font très mal : « Rho, tu vas bien changer d’avis », « Les enfants ça donne un VRAI sens à ta vie »...

Pourtant sa décision de ne pas vouloir d’enfants est mûrement réfléchie, alors pourquoi tant de critiques directes ou indirectes ? Pourquoi se sent-elle à part, comme une extraterrestre ? Pourquoi les autres ne voient-ils pas que les femmes sont conditionnées dès leur plus jeune âge à « devoir ­vouloir » avoir des enfants ?

Donner la vie ou non.

Avec ce roman graphique, Irene Olmo nous offre un magnifique témoignage sur sa décision de ne pas avoir d’enfants. Outre cette volonté, ce livre parle aussi et surtout de la pression sociale que les femmes subissent au sujet de la procréation. Insistance, remarques maladroites, déplacées voire carrément méprisantes. Les situations et conflits que génère la prise de décision de non-maternité d’Irène sont certes traités avec humour mais aussi avec le ton réflexif et introspectif qui va bien au-delà de la seule défense du droit à l’IVG et s’attaque à la normalité imposée par une société patriarcale depuis des millénaires.

La BD aborde aussi bien les raisons des femmes (et des hommes) qui veulent des enfants que celles de ne pas en vouloir. Un débat utile qui pousse Irene à se poser les bonnes questions et surtout à trouver les bonnes réponses.

Le graphisme au service d’un voyage intérieur

Cette bande dessinée, qui bénéficie de dessins vraiment très réussis, devrait passer entre les mains de tout le monde : adolescentEs, hommes, femmes, parents, non-parents, concernéEs ou non par la question... tout le monde ! Elle pourrait ouvrir les yeux sur le fait que faire des enfants n’est pas un passage obligé et surtout que ce n’est absolument pas l’affaire des autres.

Ce petit voyage dans la tête d’une femme est renforcé par des inventions graphiques et une palette de couleurs qui suggèrent à merveille le monde intérieur d’Irène. Gageons que toutes celles et ceux qui se posent la question ne lâcheront pas l’album jusqu’à sa dernière page. Une BD vraiment rare et différente.