Un CD chez Pagans/MDC/ Pias, 16 euros. Sorti le 22 janvier 2021.
Qui les a vuEs sur scène aura un sentiment mêlé : à la fois enthousiaste de voir enfin sortir ce premier album studio, tout autant que triste d’imaginer que le groupe sera privé de pouvoir le fêter en concert. Car s’il y a des formations musicales qui se dégustent mieux « en vrai », celle-ci en fait indéniablement partie, depuis quelques années que, partie de son Massif central natal, elle met dans sa poche les publics rencontrés dans les festivals de tous les continents. Et ceci avec une confondante économie de moyens : trois filles et autant de garçons pour six voix et une poignée de percussions.
Des frères, des sœurs, des amiE d’enfance devenus sans y réfléchir et presque sans s’en rendre compte camarades de tournées. « San Salvador », comme le rappelle simplement le nom du village corrézien où vit cette joyeuse bande (Saint-Salvadour), mais aussi, comme ils et elles aiment à le rappeler, des localités de nombreux endroits du monde ainsi que mille autres choses.
Populaire et savant
Leur musique prend appui sur des paroles occitanes transmises de bouche à oreille depuis des siècles jusqu’au travail de collectage dans les années 1970 d’un certain Olivier Durif, musicien précédant d’une génération les ici-présents Gabriel et Eva du même nom. Des compositions originales inspirées de la tradition et respectueuses de celle-ci, mais en la rendant aussi dépoussiérée que les accoutrements bariolés et décalés que ces jeunes furies arborent. Les voix s’entremêlent fiévreusement sur des rythmes obstinés et, si la répétition attendue est au rendez-vous (et, sans surprise, propice à la transe dansée), les titres nous interpellent par leur savante construction, leur longueur quelquefois (très) étirée et surtout les nombreux changements d’ambiances et de tempos qui s’enchaînent.
On appréciera de voir traduits et imprimés les textes en anglais et français dans le livret. Anciens pour le moins, mais sujets à des interprétations contemporaines, comme ces chroniques qui racontent les révoltes permanentes face aux guerres ou aux dieux, des femmes face aux hommes qui voudraient les posséder… Souvent les paroles nous apostrophent directement : « Oh la grande folie que de dormir sans soucis ! Réveillez-vous, vous qui dormez ! » Et celles de la seule chanson entièrement de leur main, Fai sautar qui ouvre le disque, sont sans équivoque :
« Démolis la cage, ils crient déjà au loup
Démolis la cage, fais sauter la prison
La prison, la forteresse, ils hurleront comme des fous
La prison, la forteresse, bientôt les barreaux tomberont. »