Publié le Lundi 12 février 2024 à 11h00.

La Pangée, d’Hyperculte

Les Disques Bongo Joe / Red Wig Records, 2023, 14,99 euros.

Et porté·x·e·s par le Grand Soulèvement / on remplacerait toutes les caméras de / vidéosurveillance par des cabanes à oiseaux, / le capitalisme par une bonne sieste, et tous /ces cyniques salauds par des pelures /de clémentines

Avec Hyperculte, pas de chichi, on y va direct. Des textes courts et sans équivoque, un minimalisme répétitif qui s’impose d’emblée, paroles et musique, comme une ode à la décroissance. Prenons le temps, simplement, de revenir à l’essentiel. Se promener dans les bois, s’y perdre.

Le refrain dépouillé à l’os de La cabane, entêtant et régressif de prime abord, cache à peine un discours général beaucoup plus ambitieux. En effet, les paroles sont inspirées d’écrits de divers auteurEs et collectifs, dont la figure de l’art brut André Robillard ou l’essayiste Marielle Macé  qui prône une anthropologie élargie à la nature et aux choses. Autant de sources de réflexion sur les différentes manières de comprendre le monde et de l’habiter.

Ce groupe est le dialogue de deux musicienNEs genevoisEs. À la batterie et à la guitare, Simone Aubert (des groupes Tout bleu et Massicot entre autres projets de spectacle vivant ou d’art contemporain). À la contrebasse, Vincent Bertholet (échappé du fastueux Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp…). Les deux chantent, chacunE à sa manière mais avec le même engouement, cette profession de foi : « ce monde est mort, gloire au nouveau ».

Ces chants de lutte et d’espoir sont mis en musique avec un sens de la transe qui doit autant aux tourneries tribales qu’au krautrock allemand et au disco. Surviennent ça et là de jolies déflagrations sonores, car simplicité ne veut pas dire inconsistance. La forêt se transforme alors en temple où la batterie et la basse mènent la danse et nous y invitent chaleureusement.

Une musique à écouter pas trop fort en pleine nature, donc, mais à plein volume en appartement, et tant pis (ou tant mieux) si les voisins entendent !

Et l’on pourchasserait l’invisible dans l’inconnu / des certitudes, et armé·x·e·s de nos fusils / pour tuer la misère, on s’échapperait enfin / de cette mourante technosphère, pour laisser / gambader tous les enfants sauvages

Benjamin Croizy