Coordonné par Cédric Biagini, Éditions l’Échappée, 2015, 25 euros.
L’écrit, version pérenne du langage parlé, a changé le destin de l’humanité, et Gutenberg a parachevé l’œuvre des copistes. Nous avons tous été élevés par les livres en papier et aujourd’hui notre manière d’être au monde est remise en cause par la culture numérique. Des libraires, bibliothécaires, éditeurs, auteurs… s’interrogeant dans cet ouvrage conséquent sur la signification du livre numérique, sont conduits en creux à s’interroger sur celle du livre papier.
Le livre papier serait un « objet », avec tout le fétichisme qui peut l’accompagner, mais il crée une mémoire et une histoire du lecteur. Le livre numérique n’est lui qu’une image du livre réel, il en récupère la symbolique mais n’en restitue pas la richesse. Plus de relecture, plus de transmission générationnelle, recul de l’alphabétisme... les auteurs de cet ouvrage voient la disparition du livre papier comme une perte irréversible.
Cédric Biagini qui anime les éditions de l’échappée dénonce la parcellisation, le mixage des textes (comme il en est déjà de la musique), la disparition de la globalité du texte et même celle de l’identité de l’auteur si son ouvrage est réduit à l’état de fragments. La capacité d’attention du lecteur est mise à mal, les droits d’auteur sont remis en jeu. « La lecture approfondie se réduit car la lecture numérique privilégie la lecture d’information et de scrutation », « les utilisateurs du web "sautaient" d’une source à une autre sans quasiment jamais revenir à un endroit précédemment visité ».
Le débat est ouvert et l’histoire semble être en marche de façon irréversible. Mais ce n’est pas demain que l’auteure de cet article voyagera sans sa valise de livres en vrai papier...
Catherine Segala