Publié le Vendredi 21 octobre 2022 à 18h00.

Le signe de Pao

Scénario Jean-François Chanson, dessins de Juliette Vaast. Éditions Eidola, 56 pages, 15 euros.

Il y a plus de 20 000 ans, les températures étaient beaucoup plus fraiches qu’aujourd’hui et les humains trouvaient dans les grottes et cavernes du sud-ouest de la France des lieux pour se recueillir spirituellement, y réaliser des cérémonies chamaniques et dessiner et peindre des animaux et des symboles sacrés. Avez-vous déjà entendu parler du « Signe du Pao » ? C’est un signe pariétal solutréen de plus de 20 000 ans, très rare, que l’on ne peut découvrir qu’en Charente, un peu en Dordogne et dans une unique grotte du rivage méditerranéen, proche de Cassis. Pourquoi cette rareté, d’où venait ce signe et que pouvait-il bien signifier ?

Une aventure initiatique

C’est le défi qu’ont voulu relever les auteurEs de cette BD, qui résident en Charente, en racontant un « road movie ». Attention, nous sommes il y a 20 000 ans et le héros principal, Wu, parti de la Méditerranée, ne parcourt que la Charente de l’océan Atlantique au gouffre de la Tardoire1 ! Les illustrations mystérieuses de la grotte du Placard près de Vilhonneur en Charente qui surplombe ce gouffre inquiétant ont fourni la base du scénario. Histoire d’amour et de filiation incluses !

Le jeune Wu voyage dans des pays enneigés, propage les découvertes techniques de son temps de tribu en tribu. De la Méditerranée, il atteint un jour le littoral atlantique. Il remonte alors le cours de la Charente avant de buter sur un affluent tumultueux, la Tardoire, où il est attaqué. Il échappe de peu à ses agresseurs et se réfugie auprès d’une tribu menée par une jeune femme dynamique, Pao. Pao qui porte un étrange symbole tatoué sur le front. Ce signe, aujourd’hui appelé « aviforme » par les scientifiques, va fournir une bien belle histoire.

Une tragique histoire d’amour

Wu tombe bien vite amoureux de Pao et lui révèle toutes les techniques secrètes inventées plus au sud : l’aiguille à chas pour confectionner les vêtements, l’hameçon et le propulseur à sagaies. La cheffe Pao envisage tout de suite d’utiliser le propulseur non pour chasser (gibier et poissons sont abondants en Charente) mais pour se libérer du joug d’une tribu voisine dirigé par le cruel Sar. Les péripéties seront nombreuses, la tribu de Pao finira par vaincre mais un guerrier jaloux précipitera la jeune femme dans le gouffre de la Tardoire. Wu, anéanti, décide de prendre le chemin du retour et, en chemin, il laissera le signe de Pao dans plusieurs grottes.

On ne peut tout dévoiler mais l’épilogue révèle bien des vérités pour la BD ou sur la préhistoire !

Le souffle de l’aventure solutréenne

Un peu historique et documentaire dans les premières pages pour bien situer l’histoire dans son espace géo-temporel, la BD s’envole très vite sous le souffle de l’aventure. Le scénario de Jean-François Chanson allie l’aventure épique, la tragédie shakespearienne et la dimension romantique, tandis que la griffe semi-réaliste de Juliette Vaast associée à des couleurs naturelles nous permet d’imaginer la vie au bord de la Tardoire il y a 20 000 ans.

  • 1. Cette partie des terres charentaises, particulièrement calcaire, ne permet pas aux rivières et ruisseaux de suivre un cours normal. La plupart des cours d’eau s’engouffrent dans la terre, dont la Tardoire qui ne ressurgit que 30 kilomètres plus loin et donne naissance aux abondantes sources et résurgences de la Touvre en périphérie d’Angoulême.