Publié le Lundi 23 mai 2011 à 08h38.

Le spectacle, stade ultime du fétichisme de la marchandise (Daniel Bensaïd)

Entre ce livre et Considérations inactuelles sur « l’actuel encore actif » du Manifeste communiste que vient de publier Contretemps (n°9, mars 2011), lequel de ces deux textes inédits de D. Bensaïd lire avant tout ? Dans l’un comme dans l’autre, on retrouvera sa clarté d’exposition, sa capacité à dégager les grandes questions posées aux révolutionnaires d’aujourd’hui et son souci de les analyser au plus profond. Le deuxième, où l’on retrouve aussi le ton enlevé qui rendait ses interventions orales si prenantes, conduit forcément le lecteur de 2011 à chercher « l’actuel encore actif » de ces développements datant de 1998 (150e anniversaire du Manifeste). Ce texte a peu vieilli, mais sans doute son auteur aurait-il souhaité le rendre encore plus « actuel » avant de le publier. D’autres urgences l’en empêchèrent, comme le montre également ce livre laissé inachevé à son décès en 2010, et dont le sujet est moins « le spectacle » que la détermination révolutionnaire, ses ressorts et tout ce qui lui fait obstacle, depuis « le cercle vicieux » de la réification et de la conscience aliénée jusqu’au « nihilisme de la renonciation ».

Seuls les deux premiers des six chapitres prévus offrent un texte définitif, et s’il est émouvant et instructif d’observer D. Bensaïd au travail dans les suivants (par exemple avec des notes de lecture remarquables d’acuité et de méthode), c’est au lecteur d’aujourd’hui, à nouveau, qu’il revient de prolonger cette réflexion restée à l’état de fragments. Mais il faut aussi relever tout ce qu’elle offre d’excellentes pages, complètes, éclairantes et d’utilité immédiate, notamment contre « le concept massif de domination » justifiant « l’impuissance politique », ou sur « la politique comme art du retournement », D. Bensaïd écrivant contre tout désespoir : « C’est là le sort de toute lutte que d’être asymétrique, et le défi de toute émancipation que de retourner une faiblesse en force. »

Gilles Bounoure

Lignes, 144 pages, 16 euros