De Louis-Julien Petit. Film français, 1h42, sorti le 9 janvier 2019.
Les « invisibles », ce sont les femmes SDF, celles que l’on croise dans la rue mais qu’on ne voit plus vraiment. Ce sont aussi, d’une autre façon, celles dont Macron doit penser qu’elles coûtent un « pognon de dingue » : les travailleuses sociales d’un centre d’accueil qui s’évertuent à les accueillir dignement, à tenter de réparer des existences cabossées, même si leur propre vie n’est pas sans problèmes.
Un film un peu foutraque mais joyeux
L’Envol est un centre d’accueil de jour pour femmes SDF du nord de la France : des sans-abri de tous âges et origines viennent, de façon anonyme si elles le souhaitent (ce qui donne une collection de pseudonymes : « Édith Piaf », « Beyoncé », « Lady Di » et… « Brigitte Macron »), s’y reposer, prendre un café ou une douche et aussi se faire aider avec la paperasse et les démarches.
La mairie, qui juge le taux de réinsertion insuffisant, décide qu’elle « ne peut plus continuer à dépenser sans résultats ». L’Envol doit fermer ses portes dans trois mois. Les travailleuses sociales vont, durant cette période, faire tout leur possible (y compris en prenant des libertés avec les réglementations) pour que les femmes qu’elles suivent ne se retrouvent pas purement et simplement à la rue et, si possible, se réinsèrent.
Cela donne un film un peu foutraque mais joyeux. Louis-Julien Petit, auteur notamment de Discount, où les employés d’un supermarché, promis au licenciement, montaient un magasin parallèle en se fournissant dans les stocks de leur employeur avec, entre autres, des marchandises destinées à être jetées, a choisi de traiter spécifiquement le quotidien des femmes SDF mais sous l’angle de la comédie. Il est aidé par une distribution qui mêle des actrices professionnelles comme Corinne Masiero (Capitaine Marleau) et une dizaine de femmes qui, toutes, ont connu la grande précarité ou la rue. Parmi elles, Adolpha van Meerhaegue, une ex-SDF de 70 ans qui, comme dans le film, a connu la prison, crève l’écran.
Le film les Invisibles montre que beaucoup de choses ne fonctionnent pas dans l’accueil des personnes sans-abri en France, mais les solutions semblent devoir venir de bonnes volontés individuelles. Il ne faudrait pas trop s’arrêter à cet aspect. Et Corinne Masiero, dans une interview, a donné ce qui, pour elle, est la leçon du film : « Il y a des tas d’associations, des gens qui se bougent le cul, mais les politiques maintenant faut qu’ils prennent leur responsabilités. Pas demain. Maintenant. »
Henri Wilno