Documentaire, 1 h 12 min, sorti le 13 octobre 2021.
Aïcha et Mabrouk, mariés depuis plus de 60 ans, venus d’Algérie et vivant en Auvergne, ont décidé de se séparer. Lina, leur petite-fille, se plonge alors dans une phase documentée de questionnements et la quête d’une vérité, de l’histoire de cette famille, similaire à tant d’autres venues d’Algérie dans les années 1950, dans une urgence à capturer la mémoire de ses grands-parents. Lina Soualem cherche son Algérie à travers la leur.
Le silence a régné pendant trop longtemps sur l’histoire familiale et cet exil. Et même si Aïcha (la grand-mère) se prête au jeu pour les besoins du film, les rires gênés la trahissent souvent, et illustrent bien le malaise de cette génération d’immigréEs.
La douleur du déracinement
On rentre directement dans l’intimité de cette famille, pleine de tendresse et de pudeur. Des valeurs de la Méditerranée transposées au climat auvergnat, il n’est ici question que d’authenticité, les clichés n’ont pas leur place.
« On est partis , celui qui part, il ne revient pas » rétorque Mabrouk à la question de Lina lui demandant s’il regrette son départ d’Algérie. Derrière ce silence concernant l’exil Algérie-France, que Lina réussit à rompre à l’aide de sa caméra, durant ces trois années de tournage, se cache une douleur vive, celle du déracinement, de l’appartenance identitaire, géographique, territoriale.
On comprend ce que vivent des milliers de familles, venues d’Algérie mais aussi d’ailleurs.
Elles ne se sentent plus appartenir au pays d’origine mais ne sentent pas pour autant appartenir au pays « d’accueil », une volonté de la réalisatrice de faire connaitre son histoire familiale car, selon elle, leur mémoire intime doit pouvoir exister dans la mémoire collective.
Première, deuxième, troisième génération…
« On est dans une société qui nous demande de choisir », selon Lina. La réalisatrice expose le manque de transmission de l’histoire de la colonisation française en Algérie, on aborde peu cette question à l’école, comme pour effacer les origines de ces enfants d’immigréEs.
L’histoire algérienne est souvent traitée comme une histoire différente, mais elle est pourtant bien française.
L’émigration vers la France fut un peu la double peine pour les immigréEs algériens : d’un côté l’arrachement douloureux aux racines de leurs origines, de l’autre l’exploitation par le travail, la stigmatisation et le racisme.
Les conditions de vie, d’accueil, de travail et de logement étaient très dégradées, et la mobilisation des ouvrierEs immigrés va commencer dans les années 1960-1970. Les luttes de la main-d’œuvre ouvrière immigrée vont marquer l’histoire sociale en France.
Le slogan « Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’immigrés » a été repris dans beaucoup de manifestations de soutien à l’immigration et aux quartiers populaires. À la fin des années 1990, le Mouvement de l’immigration et des banlieues (mib) est allé plus loin en lançant le slogan « Première, deuxième, troisième génération, on s’en fout, on est chez nous ! »
Ce film était une nécessité pour Lina, il l’est tout autant pour l’histoire du peuple algérien.