Rivages/Noir, 272 pages, 8 euros. On conseille également le reste de la série.
Naples, mars 1931, l’hiver touche à sa fin mais un vent glacial souffle sur la ville. Au théâtre Royal San Carlo, lors de la représentation de Cavalleria Rusticana de Mascagni et Paillasse de Leoncavallo, le grand ténor Arnaldo Vezzi, ami de Mussolini, est retrouvé égorgé dans sa loge. L’enquête est menée par le commissaire Ricciardi, bel homme étrange, silencieux et peu sociable. Il est issu de l’aristocratie italienne ; il aurait pu vivre de ses rentes mais a préféré étudier le droit et rentrer dans la police, il n’a pas d’autre ambition que sa volonté de rétablir la justice. Il a une particularité, qu’il vit comme une malédiction : il voit et entend les dernières pensées des individus morts violemment. Il est accompagné, pour toutes ses enquêtes, de son fidèle adjoint le brigadier Raffaele Maione, un homme honnête et dévoué.
Naples, une ville
L’hiver du commissaire Ricciardi est le premier roman d’une longue série. Maurizio de Giovanni décline les enquêtes policières au fil des saisons et des fêtes religieuses.
Ce qui fait la particularité de ces romans est que toutes les intrigues se passent à Naples, c’est elle la véritable héroïne des œuvres, « elle est la ville rassasiée et la ville affamée, la ville des fêtes et celle du désespoir ». Elle est la ville en mouvement, bouillonnante, où courent les « scugnizzi » (terme désignant les gamins pauvres de Naples) dans le dédale des rues sombres et insalubres des quartiers populaires, mais aussi celle de la grande bourgeoisie qui vit sur les hauteurs de la ville, qui organise des réceptions luxueuses, qui fréquente les dignitaires au pouvoir, qui s’accommode parfaitement de l’arrivée au sommet de l’État des fascistes. Naples est la ville de la fracture sociale qui a pour frontière la rue Toledo.
Une société sous tension
L’ambiance est pesante, les corps souffrent des conditions météo, l’hiver est glacial, l’été étouffant, le printemps pluvieux, les plus pauvres souffrent de la faim, de la misère, des restrictions alimentaires, les plus riches de leur avidité, de leur orgueil. Le temps passe et les lecteurEs voient se mettre en place les lois fascistes, les opposants politiques sont surveillés, arrêtés, torturés. Personne n’est au repos. Le seul personnage qui permet une bouffée d’oxygène est, paradoxalement, le médecin légiste : il est du côté de la vie, il ne se résigne pas à vivre sous régime dictatorial, il se montre ouvertement antifasciste.
L’auteur dépeint une société violente, sous tension, dans laquelle il y a cependant quelques personnages qui ne sont pas des super héros mais qui dans leur vie quotidienne essayent de résister comme ils le peuvent.
Maurizio de Giovanni donne envie aux lecteurEs d’utiliser ses livres comme des guides touristiques et de partir à la découverte de Naples, d’aller vérifier si le quartier espagnol ressemble bien à la description qui en est faite, de s’attabler au café Gambrinus en dégustant une sfogliagelle, spécialité napolitaine et pâtisserie préférée du commissaire Ricciardi.