De Joseph Boyden. Le Livre de Poche, 2008, 7,60 euros
Au travers de récits croisés, la tragédie de deux indiens originaires du Canada et embarqués dans l’épouvante de la 1re Guerre mondiale. L’enfance de Xavier et Elijah, c’est l’apprentissage de la lutte pour la vie, et même pour la survie entre la persécution coloniale et religieuse et la chasse à l’orignal dans le nord du Canada. « Ma mère, dit Elijah, elle racontait qu’en plein hiver, parfois, il fallait mettre à bouillir les mocassins, pour la soupe ».Ces mocassins, les deux amis vont les emporter sur le front, dans la Somme, autour de Vimy, les préférant aux lourds godillots. Pour certains, la bataille de Vimy, le 9 avril 1917, fut l’acte fondateur de la nation canadienne. Le Canada, dominion britannique, remportait une première victoire militaire, au goût amer : près de 3 600 morts, sans compter les milliers de blessés. « Il y a tellement de morts enterrés là-bas que si les arbres repoussent, les branches porteront des crânes. » 200 000 soldats allemands et autant de britanniques et français sont morts entre 1914 et 1918 dans cette seule région.Les deux amis vont, au milieu de l’horreur, transformer leur art de survivre en l’art de tuer des hommes, des boches, snipers d’une prodigieuse efficacité. En même temps qu’ils verront amis de combat et adversaires s’engager sur le « chemin des âmes » que l’on met trois jours à parcourir pour rejoindre ses aïeux.Dans l’enchevêtrement des histoires, de l’enfance canadienne, au retour en canoë en passant par Vimy, on se laisse surprendre à se réjouir du succès de la chasse au sniper allemand. Personne ne revient vraiment de cet enfer qu’est la guerre.À lire d’une traite. Et une invitation à un détour par le mémorial de la crête de Vimy et par les tours mutilées du Mont-Saint-Eloi, au milieu de milliers de tombes, d’arbres plantés en mémoire des milliers de soldats morts, dont 30 000 Canadiens, et de dizaines kilomètres de tranchées menant au chemin des âmes.
Robert Pelletier