Publié le Mardi 21 février 2012 à 19h20.

Livre : Toi aussi, tu as des armes

Ce recueil de neuf textes dont les auteurs se succèdent alphabétiquement (Jean-Christophe Bailly, Jean-Marie Gleize, Christophe Hanna, Hugues Jallon, Manuel Joseph, Jacques-Henri Michot, Yves Pagès, Véronique Pittolo, Nathalie Quintane) est fait pour surprendre. Il est non seulement dû à une « maison d’édition qui n’a jamais publié de poésie », comme écrit l’éditeur, « ce domaine se [situant même] à bonne distance de son catalogue », mais il ne débouche sur aucune conclusion, recette ou recommandation collectives. Il part assurément d’un désir partagé, celui d’une parole qui ait quelque portée sur le plan politique (révolutionnaire, il va sans dire), à l’instar de L’Insurrection qui vient, la plus retentissante des productions de cet éditeur, à laquelle se réfèrent plus ou moins explicitement J.-M. Gleize, Chr. Hanna, J.-H. Michot et Y. Pagès (qui marque au passage son « peu d’intérêt pour les surenchères triomphalistes ou catastrophistes — soit l’insurrection soit l’apocalypse »). Désir ou certitude ? « Toi aussi tu as des armes », les derniers mots qu’ait inscrits Kafka dans son Journal, y voyant « plus qu’une consolation », servent de titre commun à ces textes mais révèlent aussi leurs divergences. On ne peut attendre qu’« action solitaire » de la poésie pour J.-Chr. Bailly, H. Jallon la place au contraire au service de la vigilance collective en narrant avec verve le parcours du colonel Frois, inventeur de la « communication » du CNPF puis du Medef. À côté d’auteurs qui se moquent du « ridicule de la profération poétique-politique », N. Quintane s’intéresse pour sa part aux Centuries rimées de Nostradamus. Autre signe des hésitations que répand notre époque dans les meilleurs esprits, ces écrivains « ont en commun de ne pas trop aimer qu’on les traite de poètes », ce qui n’empêche pas la poésie d’avoir été une arme, par exemple pour les poètes ouvriers américains, et de l’être toujours malgré son maniement délicat.

Gilles Bounoure

Poésie et politique, La fabrique éditions, 208 pages, 12 euros.