Publié le Vendredi 29 mars 2019 à 12h52.

M

Documentaire français de Yolande Zauberman, 1 h 46, sorti le 20 mars 2019.

Yolande Zauberman s’était déjà fait connaitre avec ­Classified people, Caste criminelle, Moi Ivan toi Abraham, Would You Have Sex With an Arab ? 

Dans le documentaire M, elle réussit la prouesse de suivre au plus près Menahem Lang (M), acteur, chanteur, qui a travaillé avec Amos Gitaï, de retour à Bneï Brak, ville proche de Tel Aviv et haut lieu du judaïsme ultra orthodoxe, dans la communauté hassidique, pour régler ses comptes avec les violeurs qui ont abusé de lui quand il était enfant. 

Communauté particulièrement fermée

Il y revient après 15 ans d’exil, après avoir dénoncé à la télévision les agressions qu’il a subies de la part des rabbins quand il était « enfant à la voix d’or » accompagnant les cérémonies religieuses. Menahem utilise l’opportunité du tournage pour percuter sa communauté et, parce qu’il est connu, parce que tout le monde sait pourquoi il revient, il attire à lui, tel un aimant, des ­témoignages incroyables. 

Yolande Zauberman n’a pas le même objectif. Elle n’est pas là pour se venger, pour juger, mais pour pénétrer cette communauté particulièrement fermée. Le plus extraordinaire, c’est qu’une femme ait pu réaliser un tel documentaire dans des lieux qui lui sont normalement interdits. Sa force est de parler le yiddish : c’est sa porte d’entrée pour être acceptée par le groupe. Et elle suit au plus près M, caméra à l’épaule, de nuit, captant les témoignages, les confidences, révélant les viols ordinaires des enfants, les angoisses des adultes face au cercle vicieux du violé/­violeur. On est sidéré par la franchise, la candeur des propos recueillis. Ce documentaire n’est pas une plongée dans un univers exotique. On ressort de là avec plein de questions sur les rapports de pouvoir et les oppressions qu’ils entrainent au sein des communautés humaines.

À noter que Sélim Nassid, le preneur de son de Yolande Zauberman, a réalisé un livre, l’Histoire de M, à partir d’interviews spécifiques en parallèle aux prises de son, paru début mars, qui répond à de nombreuses ­questions posées par le documentaire.

Jean-Marc Bourquin