Publié le Samedi 9 avril 2016 à 11h00.

Menus souvenirs

José Saramago, Points, 2016, 6,50 euros. 

José Sarmago, premier Nobel portugais, est mort à l’âge honorable de 88 ans à Lanzarote aux Canaries en 2010. Il n’y jouissait pas du climat de l’île mais y marquait sa désapprobation avec le gouvernement portugais qui soutenait l’église catholique portugaise dans sa lutte contre son œuvre, en particulier L’Évangile selon Jésus Christ (1991, traduit en français par 1993). Le prix Nobel, organisateur du premier forum altermondialiste de Porto Alegre, était aussi un fidèle soutien à la cause palestinienne. Hommage à lui.

Saramago, issu d’un milieu paysan pauvre du village d’Azinhaga en bordure du fleuve nourricier et dévastateur Tage, se souvient de son enfance et de son adolescence au village pendant les vacances et à Lisbonne pendant l’année scolaire. Peu de traces de ses opinions progressistes dans cette œuvre inachevée, mais sa critique radicale de l’Europe capitaliste se perçoit dans les effets destructeurs de cette politique sur sa terre. Les oliviers arrachés au profit d’un maïs dévoreur d’eau qui a pollué puis asséché la petite rivière qui abreuvait les animaux du village.

Fidèle à son premier roman, Relevé de terre, Saramago trace à travers ses Menus souvenirs le portrait de ces travailleurs restés fidèles à leur terre, mais aussi de ceux qui ont choisi l’exil vers la capitale Lisbonne et ses quartiers populaires. Le jeune collégien se souvient qu’il fixait avec des aiguilles le front en Espagne sans connaître vraiment son camp mais, pas naïf déjà, il remarquait que les victoires républicaines n’étaient jamais mentionnées dans la quasi-totalité de la presse du régime salazariste.

Les passages les plus poétiques ou les plus savoureux renvoient surtout au village et aux grands-parents. José rappelle qu’il doit son nom d’auteur, Saramago, à l’officier municipal du village qui, ivre, nota à sa naissance le surnom de son grand-père mauresque (« Radis noir », ça ne s’invente pas !) en premier patronyme au lieu du classique De Sousa. En conséquence, pour pouvoir l’inscrire à l’école, son père dut adopter lui-même ce patronyme « insultant » dans son état civil...

Un pur régal, accompagné de photos d’époque inédites, qui se termine trop vite.

Sylvain Chardon