Après La Petite Communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon revient avec un livre sur l’affaire « Patricia Hearst » qui a secoué les Etats-Unis dans les années 70.
L’auteure dresse des portraits de femmes à travers une histoire qui a défrayé la chronique de l’époque. Cette histoire c’est avant tout celle de Patricia Hearst, la fille d’un magnat de la presse qui est enlevée par l’armée symbionaise de libération en 1974 (SLA). Elle enregistre des messages pour ses parents leur faisant part des demandes de la SLA qui consiste essentiellement à donner de la nourriture en masse aux pauvres. Peu à peu ses messages deviennent des réquisitoires contre l’ordre établi. Jusqu’au jour où elle annonce avoir changé, elle rejoint la SLA. On parle de syndrome de Stockholm et de lavage de cerveaux ce à quoi elle répondra plus tard : « ce que certains appellent conversion ou qu’ils voient comme un changement brutal n’en est pas un mais un lent processus de développement, un peu à la manière des photos, vous savez » (p.140). Mais en la voyant en photo une arme à la main sous le pseudonyme de Tania qui fera le tour du monde, de victime Patricia deviendra la coupable marxiste.
A la voix de Patricia, dite Patty s’ajoutent de nombreuses voix de femmes celles de Mercy Short et Mary Jamison enlevées toutes deux par des tribus indiennes en 1690 et 1753 et qui vont refuser qu’on les libère. Ce sont les voix de l’universitaire Gene Neveva et de son assistante Violaine qui travaillent à trouver une manière d’innocenter Patricia Hearst alors que Violaine est de plus en plus persuadée que Patricia n’est pas manipulée. Enfin c’est la voix de la narratrice, celle de la génération suivante, cette voix qui pourrait être celle de Lola Lafon et qui s’adresse à Gene Neveva avec un vous puissant, qui permet de nous inclure dans cette histoire. Ce sont des voix des femmes qui ne peuvent correspondre au rôle qu’on leur a assigné et qui prennent des chemins de traverses. Mais il n’y a aucune facilité : la SLA ne sont pas des héros.
Le récit est très détaillé avec une précision documentaire, démontrant une fiction, une fiction réelle, une fiction créée par le pouvoir pour contraindre les gens. L’affaire Patricia Hearst de ce point de vue n’est pas sans nous rappeler des événements plus actuels et les procès politiques faits aux coupables idéals comme nous le rappelle avec force ce passage du procès de Patricia : « Vous rapportez qu’après l’audience, un journaliste avoue sa perplexité à un de ses collègues, quel est le chef d’accusation déjà, est-ce le hold-up, les messages de Patricia ou encore ses opinions ? Est-elle poursuivie et condamnée pour ce qu’elle a fait ou ce qu’elle est devenue ? » ( p.177)
Mimosa Effe
Mercy, Mary, Patty, Lola Lafon, Actes Sud, 2017, 19,80 euros En vente à La Brèche