Publié le Dimanche 3 novembre 2013 à 14h39.

Musique : belge de jour

Racine carrée, Stromae, Mercury, 2013, 16 euros

Si vous suivez un peu le football, cela n’a pu vous échapper. Pendant que l’équipe de France subissait un énième sondage populiste l’accablant d’un 82 % de mauvaise opinion (de quoi remonter le moral de François Hollande au passage), tous les médias chantaient la qualité et surtout la « simplicité » des diables rouges, la sélection belge.Nos voisins, de ce pays qui ne veut presque pas en être un, ont la cote ces temps-ci, et dans tous les registres. Pendant que les bleus sont pour leur part affublés de tous les stigmates des « racailles » de banlieue, focalisent les détestations dans un climat politique saturé de FNfection, voilà que près de chez nous se rejoue un joyeux mix entre l’épopée platinienne de 1982 et la success story de 98. La France n’aime plus ses joueurs, désormais trop peu « représentatifs » on ne sait de quelle jeunesse. 

La Belgique compte aussi son quota « d’immigrés » mais ils sont si sages et polis qu’ils viennent faire la vaisselle chez les gens.  Le même problème affecte le rap finalement. Alors que ce courant musical faisait la fierté artistique de l’hexagone, deuxième marché du hip-hop dans le monde juste derrière les States, voilà qu’il sert aujourd’hui de défouloir aux crispations sociales (certains de ses acteurs savent y mettre de la bonne volonté) et se voit souvent appelé au banc des accusés. 

En face le carton tant critique que public de Stromae sonne comme un avertissement. Celui qui pourtant désigne Booba comme une influence majeure et travailla avec Kery James (qui désormais s’égare du coté d’Alain Soral), passe pour le bon rappeur de salon. Avec ses textes bien troussés mais d’une tonalité introspective et misanthrope plus proche d’un Jacques Brel que d’un James Brown, il propose une version acceptable de l’affaire « musique urbaine ».  Bien sûr, on peut légitimement être touché par les paroles de « papaoutai » (son père, parti dès son jeune âge, est mort durant le génocide rwandais) et la belle réussite chorégraphique de son clip.  Reste à savoir les raisons de ce triomphe consensuel entre le Grand Journal et le Figaro... Un artiste est plus souvent l’esclave de son temps que maître de son œuvre. 

King Martov