Publié le Mardi 15 avril 2014 à 07h43.

Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé...

Ce petit slogan, légal et obligatoire, nous le retrouvons sur toutes les publicités pour les produits alimentaires... Il sert surtout d’alibi à ceux qui l’indiquent pour vendre leurs burgers, gâteaux, glaces et autres chewing-gums. Et d’ailleurs qui le lit encore ? On a bien vu l’effet des placards menaçants sur les paquets de cigarettes dont le nom a été détourné en paquet de « nuit grave »... sans que leur consommation diminue pour autant. Voilà donc quelques lectures pour aller au-delà des slogans.

Commission nationale écologieVive la malbouffe, à bas le bio !, Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet, Olivia Recasens, Wozniak, éditions Hoëbeke, 2013, 16 euros.Christophe Labbé et Olivia Recasens sont journalistes au Point, Jean-Luc Porquet et Wozniak sont respectivement journaliste et dessinateur au Canard enchaîné : ce n’est donc pas le militantisme qui les pousse à écrire sur le sujet de la malbouffe, mais un vrai travail documenté de journalistes.L’originalité de cet ouvrage, et son arme, c’est l’usage systématique de l’humour et de l’ironie, soulignées par les dessins de Wozniak, pour nous asséner des horreurs. 123 mini-chapitres nous mettent le nez dans l’assiette jusqu’à l’écœurement car, à par ceux d’entre nous qui ne consomment que les produits de leur jardin et les œufs des poules qu’ils nourrissent du grain qu’ils produisent, nous n’échappons pas à la monstruosité alimentaire.Bœuf aux hormones, emballages au bisphénol A, œufs de poules élevées à la farine de poisson, Nutella à l’huile de palme, lasagnes au cheval roumain, OGM, etc. ça on connaissait déjà ! Mais si on vous dit arsenic dans l’eau du robinet et celle en bouteille, bonbons M&Ms au dioxyde de titane (ça les fait briller !), la carotte au lycopène ou à l’anthocyane, le saucisson corse fabriqué avec du porc chinois (élevé comme on sait…), les smoothies aux fongicides, le poulet à la dioxine et bientôt – grâce à nos amis étatsuniens – le poulet à l’eau de javel... Et le fromage « analogue », vous connaissez ? C’est du fromage sans fromage, vous pouvez le goûter sur les pizzas.Et la collusion d’un certain milieu médical qui fréquente et cautionne, dûment rémunéré, les raouts pseudo-scientifiques sur l’alimentation organisés par Coca Cola et ses copains ? Et les lois et réglementations qui sont modifiées pour se conformer aux besoins des industriels, par exemple les éleveurs de porcs bretons ? Ils étendent toujours autant de saletés, mais comme on le rapporte dans les textes à une surface plus grande, ça en fait moins au mètre carré... Il fallait y penser non ? Et les nanoparticules qui rendent la mayonnaise onctueuse et empêchent les grumeaux ? Vous savez quel effet ça fait sur l’organisme, non ? Eh bien, eux non plus, ils ne le savent pas !On rigole mais jaune. On va regarder à deux fois ce que l’on a dans l’assiette, mais comme indiqué plus haut, difficile à la majorité de la population d’échapper aujourd’hui à ce catalogue d’horreurs. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. » Pistes pour une agriculture écologique et sociale, coordonné par Laurent Garrouste, Laurence Lyonnais et Roxanne Mitralias, éditions Syllepse, Les cahiers de l’émancipation, 2014, 8 euros.Pour approfondir la réflexion, voici un ensemble de textes rassemblés et écrits par des militantEs et des chercheurEs. La population agricole est passée en France de 8 % de la population active en 1980 à 3 % en 2008. Dans le même temps, la taille des exploitations a crû de façon radicale, alors que le revenu net des agriculteurs en termes réels chutait de 56 % de 1960 à 2004.Ces quelques chiffrent montrent l’étendue de la crise, mais ne disent rien de la souffrance, de l’auto-exploitation des agriculteurs qui travaillent sans horaires, de leurs suicides et de la volonté des femmes de ne plus jouer les seconds rôles. La dépendance des agriculteurs – d’un côté aux semenciers, fabricants d’engrais et autres pesticides, de l’autre aux distributeurs qui fixent les prix – dit bien l’impasse du système actuel, aussi bien au niveau français qu’international. Il y a donc nécessité de développer et fédérer les mouvements tels que la Confédération agricole ou Via Campesina. Manger bio, c’est pas du luxe, Lylian Le Goff, Terre vivante, 2006, 17 euros.Ceux qui auront lu attentivement le dossier central de ce numéro sur l’agriculture auront bien compris que si nous voulons préserver la vie telle qu’elle existe et nourrir tous les habitantEs, il faudra manger autrement. Ce petit livre pratique fait une synthèse sur la nécessité d’arrêter l’agriculture intensive destructrice et de rester en bonne santé grâce à une nourriture saine. L’ouvrage minore le grave problème du capitalisme vert, mais il date de 2006, et dans ce domaine, les choses évoluent très vite : quand il y a de l’argent à gagner, les décisions ne traînent pas... Lylian le Goff résume intelligemment les moyens de manger bien, bon et sain, et donne des idées à celles et ceux qui chercheraient des menus, mais pas des recettes... Il faut enfin retenir que, contrairement aux idées reçues, manger bio ne coûte pas plus cher car on mange autrement : moins de viande, plus de nutriments dans les aliments bio. Pensées végétariennes, François-Marie Arouet dit Voltaire, textes édités et préfacés par Renan Larue, Mille et une nuits, 2014, 2,50 euros.«Qu’y a-t-il de plus abominable que de se nourrir continuellement de cadavres ? », s’interroge en 1772 un fervent défenseur du végétarisme : Voltaire. Le philosophe consacre depuis plusieurs années déjà des pages au sort des animaux de boucherie dans son œuvre et, à 68 ans, se convertit définitivement au végétarisme.Inspiré par les sages antiques qui ne mangeaient pas de viande, influencé par les brahmanes indiens dont la loi interdit de manger des animaux, et aussi plus trivialement par ses troubles digestifs, Voltaire se fait le défenseur des animaux. Il se révolte contre les traitements qui leur sont infligés au bénéfice de mangeurs insouciants.Comme dirait Candide : « il faut cultiver notre jardin »...