Publié le Mercredi 5 mai 2021 à 12h27.

Quand la ville tombe, de Didier Castino

Éditions les Avrils, 256 pages, 19 euros.

Hervé et Blanche se sont connus à l’université lorsqu’ils étaient étudiants, ils ont milité ensemble, Ils ont manifesté contre les guerres, ils ont apporté leur soutien aux oppriméEs. Un peu partout sur la planète, les peuples se révoltent, ils veulent plus de liberté, de démocratie, veulent vivre dignement. Aujourd’hui encore, Hervé et Blanche se mobilisent, ils défilent dans les rues marseillaises avec leurs trois enfants et continuent de débattre sur des sujets politiques.

Quand les balcons s’écroulent

Ils vivent dans les beaux quartiers, ils sont instruits (les références culturelles sont nombreuses, de Godard à Léos Carax en passant par The Clash), ils sont éloignés des réalités de la guerre, des massacres, des bombardements, de la peur et de l’exil, mais ils n’oublient pas le monde qui les entoure.

Blanche est enseignante à la fac, Hervé fait des traductions depuis son domicile. Malgré le son assourdissant du monde qui vacille, ils sont heureux.

Mais un soir tout bascule. Blanche, en rentrant chez elle après sa journée de cours, passe sous un balcon qui s’écroule à ce moment-là, elle meurt.

Hervé reste seul avec ses enfants. Pour lui, la guerre est là, dans la ville, des balcons s’écroulent, des immeubles s’effondrent. Des gens meurent. La municipalité a laissé des habitations se détériorées, elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter ces tragédies, pas d’entretien, de rénovation ni de protection dans les quartiers populaires puis après les drames, elle n’a pas relogé les plus démunis, abandonnant la partie la plus fragile de la population.

Bien qu’il n’y ait pas de marquage temporel dans le livre, Didier Castino fait explicitement référence à l’effondrement des deux immeubles dans le quartier populaire de Noaille à Marseille, le 5 novembre 2018, qui avait ­provoqué la mort de huit personnes. 

Cette tragédie avait révélé le terrible mépris des pouvoirs locaux, des barons politiques au pouvoir pour défendre tout autre chose que la population, entre connivence avec les possédants, clientélisme, corruption et incompétences multiples.

Absence des êtres chers

Dans son troisième livre, Didier Castino met en scène de nouveau l’absence des êtres chers qui disparaissent soudainement. Ici c’est celle de l’être aimé, qu’il interpelle, à qui il raconte comment se passe la vie sans elle, comment, après l’amputation de la cellule familiale, ils arrivent à se reconstruire, à lutter pour continuer à avancer.   

Dans son premier roman Après le silence, il évoquait l’absence de son père, mort tragiquement d’un accident du travail, victime de la course mortelle au profit. Dans son deuxième roman Rue Monsieur Le Prince, il retraçait les dernières heures de Malik Oussekine assassiné par la police dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, à la suite d’une manifestation à laquelle il n’avait pas participé, et l’attente de madame Oussekine qui s’inquiète de ne pas voir revenir son fils.

Didier Castino a aussi participé au livre collectif Ford Blanquefort, même pas mort en soutien à la lutte des ouvriers pour sauver leur emploi. C’est un vrai plaisir de lire de nouveau Didier Castino, son écriture est juste, sensible et révoltée.