Publié le Mercredi 18 janvier 2023 à 15h27.

Ras le bol, de Jacques-Armand Cardon

Super Loto Éditions/Les Requins Marteaux, 2022, 256 pages, 39 euros.

Ce livre est un recueil de planches du dessinateur Cardon. Pas de tous ses dessins, ce ne serait pas possible tant il y a des années qu’il pratique, depuis les années 1960.

Cardon a dessiné dans de nombreuses revues et journaux, notamment Hara-Kiri, Charlie Hebdo, l’Enragé, l’Écho des savanes… et le Canard enchaîné, bien sûr, pendant plus de quarante ans. Il a pu y côtoyer les dessinateurs « historiques » de toute cette époque, les Cabu, Gébé, Siné, Wolinski et d’autres… Mais cette compilation s’intéresse seulement à la période 1970-1976, dévoilant environ 200 dessins qui sont parus dans deux journaux, Politique Hebdo (1970) et ­l’Humanité Dimanche (1970-1976).

Cardon, c’est un style en noir et blanc, c’est dépouillé et sobre, sombre surtout. Avec des grands espaces vides et des êtres humains qui semblent s’y noyer ou s’y perdre, si peu vivants, aux visages simplifiés, à la fois neutres mais si expressifs. Cela donne une ambiance pas drôle, plutôt inquiétante, avec une dose de pessimisme sur l’humanité. En fait, et c’est logique, le style est lié au fond politique, à une vision très critique du monde.

Le capitalisme sous Pompidou et Giscard

À partir de l’actualité politique et économique, de la fin du gaullisme jusqu’aux présidences Pompidou puis Giscard, Cardon dénonce le capitalisme. Ses travers, ses aberrations, ses injustices, ses crimes. De nombreux thèmes sont abordés : sociaux comme l’aliénation, l’exploitation, les accidents du travail, les patrons, les chaînes de l’esclavage, la pauvreté ; la gentrification, la défense de l’environnement (déjà !) avec la pollution, la bétonisation, le tout-voiture et les autoroutes ; le racisme, la répression, les dictatures, l’armée, la guerre, la religion…

Partout, et tout le temps, il est question de la dénonciation du système de domination de la classe possédante. Il y a l’oppression, le formatage, l’enfermement ou le cloisonnement des gens, des peuples. À regarder tous ses dessins, on se dit que Cardon en a plus que « ras le bol » de cette société.

Le livre composé de 7 chapitres (un par année) est présenté par Lucie Servin, journaliste à l’Humanité. Elle écrit dans son introduction : « Dans chaque trait de Cardon, on peut ressentir la tension des poings serrés qui exulte des griffures de sa plume, diffuse et pénétrante. Ni coup de sang ni crise de nerfs, la colère agit comme une lame de fond puissante, elle porte en elle le cri de l’ange, la révolte des éternels perdants, la rage de celui qui cherche à percer la vérité dans la lumière, à échapper à l’horizon du désert. »

Le livre est cher malheureusement, mais c’est relatif. Cela rappelle surtout que nos revenus sont bien trop bas et que la spéculation sur le prix du papier est un bout du scandale du capitalisme.