Publié le Dimanche 13 octobre 2024 à 15h00.

Réapprendre à faire grève, de Baptiste Giraud

PUF, 2024, 320 pages, 20 euros.

À tous les camarades qui, au sein de la gauche radicale, pensent encore qu’il suffirait que les directions des confédérations syndicales appellent à la grève générale pour que celle-ci devienne effective, la lecture du livre de Baptiste Giraud constituera un bon antidote. 

Immersion dans la CGT commerce

Dans son ouvrage, issu de deux années d’enquête par immersion au sein de l’Union syndicale Commerce et Service de la CGT à Paris, Baptiste Giraud met en évidence les difficultés que rencontrent les militants CGT pour enraciner le syndicat parmi les salariéEs des magasins, grands ou petits, ou de l’hôtellerie-restauration, qui représentent 64 % des 4 millions d’emplois disponibles dans la capitale.

Difficultés liées au management autoritaire et ou paternaliste du patronat, à la petitesse et la volatilité du personnel de ces entreprises et à la précarité des statuts pour faire reconnaître simplement le droit du travail. 

Difficultés à faire face aux multiples sollicitations du « dialogue social », comme les NAO (négociations annuelles obligatoires). 

Difficultés résultant de la perte du « savoir-faire » militant parmi les déléguéEs syndicaux souvent jeunes : comment rédiger un tract, comment organiser un débrayage, une grève ? 

Difficultés à sortir du cadre étroit de la lutte d’entreprise, voire de la défense de ses seuls intérêts personnels, pour venir simplement aux réunions organisées par l’Union syndicale, voire aux mobilisations interprofessionnelles. Mobilisations interprofessionnelles qui apparaissent trop éloignées dans leurs mots d’ordre et leurs modes d’action du vécu des salariéEs de ces secteurs du commerce et des services.

Transmettre 

Illustré par de nombreux exemples issus de ce travail d’enquête ethnographique, le livre de Baptiste Giraud montre comment les quelques permanentEs et militantEs plus chevronnés tentent, par un vrai travail de Sisyphe, de redonner confiance aux déléguéEs, de les appuyer lors des conflits tout en veillant à ne pas faire à la place de ces derniers. Baptiste Giraud souligne que ces problématiques ne sont pas inhérentes à la seule CGT mais concernent également la CFDT et les autres syndicats.

L’auteur n’en reste pas aux seuls constats mais amorce quelques propositions sur le nécessaire investissement en moyens humains et matériels auquel les organisations syndicales devraient consentir pour s’implanter dans ces « déserts syndicaux ». 

En résumé, un livre utile pour mieux saisir les enjeux de cette lente période de transition du monde du travail et sur les moyens d’y reconstruire une conscience de classe en étant averti de la dégradation des rapports de forces. 

Éric M