Chauvel (scénariste) et Kerfriden (Illustrateur, coloriste), éditions Delcourt, 320 pages, 29,95 euros.
Le sous-titre plante le décor : « Cinq ans de résistance 2017-2021 ». Et de fait, RES PUBLICA (la chose publique) est un pavé jeté dans le marigot néolibéral du président Macron et de son monde ! Évitez de l’emporter dans votre sac en manif, il pourrait être considéré, si vous êtes fouilléE (et vous serez fouilléE !) comme une arme par destination (1,184 kg, quand même)... À lire et à faire lire avant le 10 avril !
Un réquisitoire implacable
Rien n’échappe à ses auteurs : l’avènement de Macron, l’inéluctable construction de sa doctrine, sa filiation avec ce que le monde a connu de plus cohérent dans la catégorie (Reagan, Thatcher), le faisceau des forces qui l’amènent au pouvoir (le patronat, une partie significative de la gauche institutionnelle, une bonne partie de la droite classique). Quant au macronisme au pouvoir, dont ce livre constitue un bilan exhaustif, il est décrit, d’une manière très précise, comme la continuation de toutes les politiques libérales menées par la droite ou la gauche au pouvoir, et il est caractérisé pour ce qu’il est : un pouvoir « enfin » cohérent, conséquent, dont la seule préoccupation est d’en finir avec l’exception française, de mener la guerre de classe et de la gagner, au profit des possédants. Le président des riches est ici dépeint dans toute sa suffisante plénitude !
Un point de vue de classe
La grille de lecture des auteurs est incontestablement une grille de classe. À cet égard, l’analyse de la composition sociale de la Macronie, au gouvernement et à l’Assemblée nationale, la description de la casse de l’hôpital public, de l’implacable mécanique visant à remplir les poches des actionnaires au détriment des plus pauvres, sont sans ambiguïté et sans concession. De la même façon, le très long développement consacré au mouvement des Gilets jaunes – dont la couleur s’affiche en couverture, et traverse de part en part tout l’ouvrage, souvent bordé du noir de la violente répression des blessures et mutilations ! – en donne une lecture très fouillée en termes très « lutte des classes », très loin des discours impressionnistes qui ont fleuri dans la presse assimilant souvent ce mouvement à une sorte de néo-poujadisme.
La rue répond...
… réſiſtance ! Le contenu du livre honore ſon ſouſ-titre, et la part belle eſt faite aux mouvementſ réelſ de notre camp ſocial contre le rouleau compreſſeur du capital, aux différenteſ formeſ de réſiſtance qui, enverſ et contre tout, ont continué à montrer que l’avènement du néolibéraliſme le pluſ accompli n’a paſ été – et ne ſera ſanſ doute jamaiſ, danſ ce payſ – un long fleuve tranquille pour la bourgeoiſie. Ainſi voit-on apparaître nombre de noſ manifeſtationſ contre la caſſe deſ retraiteſ, contre la raciſme, contre la loi ſécurité globale (dommage, la marche deſ ſanſ-papierſ n’eſt paſ citée).
La violence et le racisme d’État
La démonstration minutieuse de la place de plus en plus importante de la violence de la part de l’État, au travers de la doctrine et des pratiques policières, dont le bilan détaillé est établi dans ces pages, complète le tableau. On y voit que la politique de ce gouvernement est, plus que jamais, imposée par la force à une population que l’on réduit au silence, et cela passe d’abord par les quartiers populaires, les pauvres, les personnes racisées, les opposantEs les moins gérables – comme les Gilets jaunes – pour s’étendre peu à peu à tout notre camp social !