Publié le Lundi 25 mars 2013 à 17h13.

Roman : Celtic games

Roman : Celtic gamesRoi du Matin, Reine du Jour, Ian McDonald, traduit par Jean-Pierre Pugi, Folio SF, Gallimard, 2012, 608 pages, 9,10 eurosPar ses récits de grande ampleur, à la construction maîtrisée et sans surcharge ni fioritures, Ian McDonald s’est assurée une renommée justifiée et une moisson régulière des divers prix littéraires décernés dans sa discipline, tout en brouillant subtilement les frontières des genres auxquels il s’attaque.Il nous en donne un nouvel exemple avec ce Roi du Matin, Reine du Jour, estampillé « Fantasy » en couverture : en cette année 1913, alors que l’Irlande est mise en ébullition par les mouvements indépendantistes, la famille Desmond est confrontée à des phénomènes étranges. La fille Emily, baignée par sa mère dans les mythes celtiques que les mouvement irlandais et les poètes, tels Yeats, remettent au goût du jour, se perd dans la compagnie des farfadets, gnomes et autres fées qui peuplent le bois de Bridestone, sur la propriété familiale. De son côté, le père est obnubilé par une comète que ses relevés et observations présentent comme une sorte de véhicule spatial, preuve de l’existence d’une civilisation extraterrestre, avec laquelle il se met en devoir de communiquer. Rationalisme scientifique contre romantisme littéraire, esprit critique contre rêverie poétique, l’auteur joue des oppositions, sème des indices et instille le doute. Car ces premiers événements auront d’importantes répercussions que Jessica Caldwell comme Enye McColl, descendantes de la famille, devront affronter.Mythes passés et contemporainsMalgré quelques longueurs dans les deux premières parties, la curiosité du lecteur est suffisamment éveillée pour passer outre et se laisser entraîner par un tempo qui s’accélère et une mise en scène qui gagne en nervosité. McDonald délaisse alors korrigans et satyres pour des incarnations plus contemporaines de nos mythes et nos peurs. Tout à la fois véritable divertissement et jeu littéraire, revisitant les incontournables du genre – quêtes, initiations, monstres issus d’expériences interdites, mondes parallèles et guerrière urbaine revêche –, l’ouvrage est également une exploration de notre relation aux mythes et à l’imaginaire, qui strates après strates structurent une bonne partie de notre relation au monde et à l’humanité. Loin des clichés, cette exploration se teinte de théorie critique : « Nous avons créé un monde pseudo-féodal rassurant et stérilisé de trolls, d’orques, de mages, de chevaliers, de guerrières aux seins aussi plantureux que leurs armures sont succinctes et de Maîtres du Jeu ; un monde où le mal est personnifié par des hordes de méchants gobelins qui veulent envahir le pays des gentils hobbits et non par la famine dans la corne de l’Afrique, l’esclavage des enfants dans les ateliers philippins, les caïds de la drogue colombiens, une économie de marché sans aucun garde-fou, les polices secrètes, la destruction de la couche d’ozone, la pornographie enfantine, les snuffs movies, le massacre des baleines et la déforestation des tropiques ». Divertissant et intelligent, n’hésitez pas !Henri Clément