De Sorj Chalandon. Grasset, 336 pages, 20,90 euros.
Toute la presse a déjà fait la critique du dernier roman de Chalandon sorti en septembre, lors de ce qui se nomme la rentrée littéraire. Mais cela ne fait pas de mal d’écrire à notre tour que c’est un chouette roman. Comme toujours (ou très souvent) avec Chalandon, on est face à une histoire émouvante et révoltante, et des personnages très touchants.
Le livre revient sur un événement réel, un accident grave survenu au fond d’une mine dans le nord de la France, en 1974. 43 mineurs sont tués. C’est le drame dans la région. Il touche notamment une famille, un frère, adolescent qui aurait dû devenir mineur comme son aîné. Cet accident mortel du travail n’est pas vraiment un accident tant il est la conséquence des réductions des coûts, des logiques de profits, d’une sécurité des mineurs très mal assurée.
Des familles ouvrières touchées dans leur chair
Le frère qui a grandi, qui a fait sa vie loin de la mine, ne s’est jamais remis de la perte de son aîné. Le revoilà 40 ans après comme dans une nouvelle version de vengeance. Mais ce n’est pas aussi simple que cela et les choses ne se passent pas comme nous l’aurions cru ou même espéré. Les personnages sont complexes, ni bons ni méchants, simplement humains.
On voit la dureté de la vie des mineurs, de leurs familles, une population marquée par les drames des accidents et du quotidien (maladie, peur…), des années même après la disparition des mines.
Ce livre fait écho à celui de Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, sur la grève des mineurs en 1948, la répression qui s’en était suivie, et l’injustice terrible subie par les familles jusqu’à aujourd’hui. Il rappelle aussi d’une autre manière celui, très beau, de Didier Castino, Après le silence, qui raconte par la voix d’un fils la mort terriblement injuste, la perte d’un père ouvrier lors d’un accident du travail dans l’usine où il travaillait, en 1974 aussi, mais du côté de Marseille.
Sorj Chalandon parle de ces familles ouvrières touchées dans leur chair, pour toute une vie, par l’exploitation, par ce travail qui détruit la santé, qui brise les gens, qui tue. Alors on attend que justice soit faite 40 ans après, il n’est jamais trop tard pour venger, pour se venger. Cela n’arrivera pas forcément car les dégâts ne s’effacent pas.
Ce roman est un très bel hommage aux victimes des accidents miniers, comme des accidents du travail en général, dans les mines ou ailleurs. À lire, comme d’ailleurs les autres romans de Sorj Chalandon, et ceux de Dominique Simonnot et de Didier Castino.
Philippe Poutou