Publié le Lundi 2 février 2015 à 19h27.

Roman : Viva

Par Patrick Deville. Seuil, 2014, 17,50 euros

Port de Tampico, 9 janvier 1937. Trotski vient d’obtenir du président Lazaro Cardenas l’asile politique et débarque, avec son épouse Natalia Ivanovna, au pays de Pancho Villa. Il n’a plus que 3 ans à vivre. Il sait que le temps lui est compté, que les sbires de Staline le retrouveront tôt ou tard. Il doit organiser la riposte aux procès de Moscou, fonder la IVe internationale, et « continue d’exil en exil à vouloir transformer le monde et la vie des hommes ».

Cuernavaca, 2 novembre 1936. L’écrivain anglais Malcolm Löwry s’installe avec sa compagne Jan Gabrial et entreprend, dans la chaleur tropicale et les vapeurs de mezcal, la rédaction de son roman Au-dessous du volcan, considéré par beaucoup comme un des romans les plus importants du 20e siècle. Il aurait sans doute voulu agir lui aussi, peser sur le monde, comme Trotski, mais peut tout juste gérer son couple, sa dépression, son alcoolisme...

Coyoacan, été 37. Trotski et Löwry, « après avoir, chacun de son côté, parcouru la planète », sont dans la même ville, à l’heure où il est minuit dans le siècle, où le fascisme triomphe en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Nicaragua, où la contre-révolution stalinienne impose son talon de fer en URSS.

Tel est le point de départ du (faux) roman de Patrick Deville. Car ici tout est vrai. L’auteur raconte une page de l’histoire du Mexique à sa façon, décousue, épique. Des personnages originaux vont s’y croiser, comme Antonin Artaud ou encore cet écrivain anarchiste aux multiples pseudonymes (Ret Marut, B. Traven Torsvan…), auteur du Trésor de la Sierra Madre (adapté au cinéma par John Huston), qui, après avoir participé à la révolution allemande de 1918-1919, ira vivre avec les Indiens du Chiapas dans les années 30.

Emporter son lecteur, lui donner envie de lire et pourquoi pas de changer le monde : tel est à coup sûr le parti pris de Patrick Deville. Une définition de la littérature que les révolutionnaires ne peuvent que partager.

Patrick Chaudon