Film franco-sénégalais, 1 h 38 min, sorti le 4 janvier 2023
Le véritable intérêt de ce film n’est pas son point de vue sur la guerre, somme toute assez peu présente, mais qu’il donne à voir, en quelques séquences, juste ce qui est nécessaire pour que l’on n’oublie pas la violence hallucinante vécue par les hommes amenés à la faire !
Les relations entre les personnages principaux, qui structurent le scénario — rapports conflictuels et ambivalents entre père et fils évoqués en miroir, d’un côté des gradés français, de l’autre des soldats africains — ne sont finalement pas l’essentiel.
Jetés au cœur de l’enfer...
C’est plus la description, très brève, de la prédation du colonisateur envers le colonisé, qui plante le décor : arrachés à leur village, à leur territoire, les hommes enrôlés, d’une façon ou d’une autre, dans l’armée française, sont littéralement transportés au cœur d’un conflit meurtrier insensé, incompréhensible à leurs yeux, quelles que soient les stratégies qu’ils adoptent pour y survivre.
Oui, Tirailleurs !
Le principal mérite de Tirailleurs est bien de mettre en avant, auprès d’un très large public — Omar Sy oblige — la place dans l’histoire de la Première Guerre mondiale de ces dizaines de milliers d’hommes arrachés à l’Afrique par la puissance coloniale, de sortir de l’image d’Épinal raciste et paternaliste. En effet, Tirailleurs met en scène, dans leur langue, sous-titrée en français, les acteurs de la vie au front, montre leurs relations à l’arrière — qui ne sont pas faciles, tant la cohabitation entre tirailleurs de pays et de langues différentes peut être complexe et parfois violente — leurs rapports, parfois ambigus, à la hiérarchie militaire qui les contraint mais cherche aussi à les convaincre que seule la victoire les sauvera.
Ici, les tirailleurs font irruption, comme des passagers clandestins, au milieu de l’écriture du roman national. Ils y prennent une place inédite, et selon les derniers plans du film une place centrale, au cœur même des symboles les plus chers à l’État colonial.
Chronique dédiée à ceux des figurants du film qui, depuis la fin du tournage, ont écopé d’une OQTF et se voient menacés d’expulsion !
Claude Moro