Publié le Vendredi 11 mai 2018 à 09h31.

Transit

Film allemand de Christian Petzold.

Ce n’est pas la première adaptation cinématographique du magnifique roman d’Anna Seghers1 qui retrace la situation de réfugiés, antinazis et/ou juifs, fuyant durant l’été 1940 l’avancée des armées allemandes et se retrouvant coincés à Marseille, en attente d’un hypothétique visa et d’un bateau pour les États-Unis ou le Mexique. Ils et elles ont raison de craindre pour leur vie : bien qu’opposantEs de la première heure à Hitler, certainEs ont déjà été internés en 1939 dans des camps de la « République française » comme « ressortissants d’une nation ennemie » et l’accord d’armistice signé par Pétain prévoit la remise à l’Allemagne des antinazis allemands et autrichiens.

Impitoyable machine administrative

Petzold a fait une demi-transposition : la situation décrite est celle de 1940 mais elle se déroule dans le Marseille d’aujourd’hui et, au lieu des gendarmes français de l’époque et d’agents de la Gestapo, ce sont des flics français, avec casques et tout l’équipement que l’on voit dans les manifestations, qui pourchassent les réfugiés. Le réalisateur a sans doute voulu montrer la parenté des situations entre les pourchasséEs d’hier et les migrantEs d’aujourd’hui. Il souligne ce que l’on sait : ceux qui sont confrontés à de telles situations sont parfois obligés de ruser, de mentir un peu ou beaucoup sur leur itinéraire, voire de prendre l’identité d’un mort… La machine administrative est impitoyable : pour avoir un visa de sortie, il faut un billet sur un bateau, mais pour l’obtenir, il ne faut pas seulement un visa de la destination finale mais une autorisation de transit dans les ports où le navire fera escale et, si un de ces papiers est mal formulé ou expiré, le dossier est rejeté.

Il n’est pas certain que Petzold ait adopté la meilleure convention pour transposer le texte d’Anna Seghers ; de plus, au lieu de se concentrer sur la dynamique infernale du « transit », il se perd un peu dans les rapports que le personnage principal entretient avec les unEs ou les autres. À certains moments, le film semble s’égarer. Malgré ces limites, on peut le voir et, surtout, lire ou relire le livre d’Anna Seghers, qui vient d’être réédité.

Henri Wilno

  • 1. Anna Seghers, Transit, éditions Autrement, 12,99 euros.