De Robert Guédiguian, avec Simon Abkarian, Ariane Ascaride, Grégoire Leprince-Ringuet et Syrus Sahidi. Sortie le mercredi 11 novembre.
Dans Une histoire de fou, le réalisateur Robert Guédiguian fait le choix, l’année de son centenaire, d’aborder la question du génocide des Arméniens à travers l’histoire des stratégies de résistance de la diaspora et de la bataille pour la mémoire. Avec ce parti-pris, déjà illustré dans ses précédents films tels que Le voyage en Arménie ou L’Armée du crime, il met en scène le génocide en toile de fond mais l’aborde avant tout dans ce qu’il en reste et perdure chez les descendants de rescapés. « Le génocide a fait de nous des fous. Nous sommes nés d’une montagne de cadavres. C’est comme ça. » dit l’un de ses personnages. Comme si la diaspora arménienne ne pouvait pas échapper à ce devoir de combat pour la reconnaissance.
Nous sommes donc au début des années 1980, et Aram, un jeune français d’origine arménienne, élevé entre un père intégrationniste, bâtisseur du foyer, et une mère militante de la cause arménienne, décide de s’engager en politique. De longues décennies après le génocide arménien perpétré par les Turcs en 1915, celui-ci n’est toujours pas reconnu sur la scène internationale et les coupables restent impunis. Le mouvement pacifiste semble avoir échoué dans sa mission de mise au jour des massacres et l’ébullition des luttes armée révolutionnaire des années 1970 voit naître le mouvement international l’Asala, l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie.
D’inspiration marxiste-léniniste, basée à Beyrouth et proche du FPLP, le Front populaire de libération de la Palestine, l’Asala organise des actions dans toutes l’Europe. En s’appuyant sur une diaspora nombreuse, elle commandite les assassinats politiques de dignitaires turcs, agent du négationnisme d’État en Turquie et à l’étranger. Au fil de leur procès, les membres de l’Asala portent cette cause aux yeux de tous et demandent justice et réparation.
Aram se mobilise donc au sein de l’Asala, et le film avance au fil de son cheminement éthique et personnel, ainsi que de celui de Gilles Tessier, français innocent qui a perdu ses jambes dans un attentat perpétré par Aram. C’est dans l’histoire tragique et intime de ces personnages principaux que Robert Guédiguian nous fait entrer avec justesse et émotion dans la grande Histoire de cette bataille pour la reconnaissance du génocide, replaçant cette cause là où elle devrait être profondément ancrée : du côté des luttes internationalistes pour l’émancipation des peuples.
Mary Sonet