Publié le Mercredi 21 décembre 2022 à 11h13.

Une sélection de livres à (s’)offrir en cette fin d’année

Cette année, l’Anticapitaliste vous propose une sélection de livres pour les fêtes concoctée avec la librairie La Brèche. Des essais, des BD, des romans, des polars, pour la plupart récemment parus et évoqués dans nos colonnes.

Essais

Déviriliser le monde, de Céline Piques, éditions Rue de l’Échiquier, 2022, 112 pages, 12 euros

Céline Piques propose un titre qui semblera provocateur à certains : oui, il y a un problème de virilité dans notre société. Elle égrène des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : « En France, 96 % de la population carcérale est masculine. Les hommes sont responsables de 99 % des viols, de 97 % des violences sexuelles, mais aussi de 95 % des vols de véhicules, de 99 % des incendies volontaires ou encore de 89,5 % des destructions et dégradations ». C’est tout un système, le patriarcat, qu’elle analyse, en s’appuyant sur des faits et des données chiffrées. Son propos se nourrit aussi de nombreuses citations de penseuses féministes, comme Andrea Dworkin, Françoise Héritier, Christine Delphy ou Gisèle Halimi.

Conférences sur la libération des femmes, d’Alexandra Kollontaï, éditions Librairie La Brèche, 2022, 13 euros

Ces cours du soir à destination des femmes ouvrières ont été dispensés par Alexandra Kollontaï en 1921 à Moscou à l’université communiste de Sverdlov. La mise en perspective avec le cours de la révolution bolchévique d’une part et avec la condition des femmes aujourd’hui est édifiante (voir les introductions de Elsa Collonges et Jacqueline Heinen).

Marxisme et oppression des femmes, vers une théorie unitaire, de Lise Vogel, Éditions sociales, 2022, 420 pages, 22 euros

Ce livre est le fondateur de la théorie de la reproduction sociale, dont se revendiquent les autrices de notre courant telles Aurore Koechlin ou Tithi Bhattacharya. Comment les marxistes ont-ils compris la question de l’oppression des femmes ? Marx, Engels, Bebel sont passés en revue systématiquement. Et, à partir et contre Marx et les marxistes, il s’agit d’affirmer une théorie unitaire : le travail reproductif qui permet au travailleur de naître, de se rendre au travail le ventre plein, les habits propres, pour permettre au patron de l’exploiter. Du vrai marxisme créatif, érudit et accessible.

Aux origines du genre, d’Anne Augereau et Christophe Darmangeat, Presses universitaires de France, 2022, 9,50 euros

Quand une préhistorienne et un anthropologue rencontrent  d’autres anthropologues sur une démarche matérialiste et répondent à la question : comment éviter de projeter les visions fantasmées du présent sur le lointain passé ?

La Révolution et nous, d’Alexander Neumann, éditions Librairie La Brèche 2022, 13 euros

L’auteur, à partir de la grande Révolution française, déroule le fil rouge qui parcourt notre histoire… et notre présent. Ce fil ne s’est jamais interrompu, la permanence de la révolution en est l’expression la plus achevée. Les conseils ouvriers, les insurrections, les révolutions du 20e siècle, du 21e siècle, d’un continent à l’autre, d’une époque à l’autre en démontre la validité.

Le Front unique ouvrier, introduction d’Antoine Larrache, éditions Librairie La Brèche, 2022, 4 euros

Ce concept de front unique ouvrier a toute une histoire qui plonge ses racines dans les débats de l’Internationale communiste d’avant la stalinisation, c’est-à-dire dans les textes élaborés lors des quatre premiers congrès de 1918 à 1922, et a servi de guide pour l’action des révolutionnaires durant tout le 20e siècle et reste jusqu’à aujourd’hui d’une ­actualité brulante.

Antifascisme(s). Des années 1960 à nos jours, de Jean-Paul Gautier, éditions Syllepse, 2022, 20 euros

Quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite réapparaît sur la scène politique française et ne la quittera plus jusqu’à aujourd’hui. Immédiatement, une opposition apparaît face à cette sombre renaissance, notamment à partir de la guerre d’Algérie. Jean-Paul Gautier nous propose de revenir sur l’histoire des différentes composantes et sensibilités de ces mouvements antifascistes des années 1960 à nos jours. Mais aussi sur leurs débats sur la violence, le rapport à l’État et au champ politique institutionnel.

Écofascismes, d’Antoine Dubiau, éditions Grevis, 2022, 224 pages, 10 euros

L’écologie n’est pas naturellement de gauche, on en avait déjà la conviction de par les idéologies réactionnaires des retours à la terre, patrie des nazis. Loin de voir cette idéologie enterrée dans les ruines de la Seconde Guerre mondiale, notre époque voit ce phénomène se revivifier : fascisation de l’écologie, écologisation du fascisme, ce livre tente de cerner la plasticité du fascisme.

Polars

Mort contre la montre, de Jorge Zepeda Patterson, Babel noir, 2022, 432 pages, 9,70 euros

Le Tour de France… quoi de plus rebutant a priori ? L’auteur a réussi un polar qui se place d’emblée dans le monde du sport professionnel où l’on n’hésite pas à tuer pour gagner. Des directeurs sportifs aux financiers, le fric est roi, et en bas il y a les porteurs d’eau, les sacrifiés, les forçats, « le corps asservi toujours à la limite de la rupture ».

Là où nous dansions, de Judith Perrignon, Éditions Rivages Poche, 2022, 368 pages, 20 euros

En 1935, Eleanor Roosevelt inaugure à Detroit le premier quartier de logements sociaux neufs et confortables pour les Afros-américainEs, le Brewster Project. Il fera leur fierté jusqu’à sa démolition au 21e siècle. Ce roman captivant nous projette un déroulé de l’histoire des États-Unis au 20e siècle, grandeur et décadence du capitalisme industriel, racisme au long cours, créativité artistique et cynisme des financiers.

Revue

La Déferlante n°8, « Jouer, quand les féministes bousculent les règles », 19 euros

Média engagé, indépendant, féministe et écrit par des femmes, ce numéro publie la rencontre entre Philippe Poutou, bien connu de nos services, et Virginie Despentes. Au cours de 10 pages, se déroule la « Ping-pong théorie »… Ce numéro présente aussi un dossier « Jouer », une rencontre avec la féministe queer Alison Bechdel.

Romans et récits

Notre revanche sera le rire de nos enfants, de Sorj Chalandon, éditions Black Star, 696 pages, 25 euros

L’Irlande du Nord s’embrase, les années 1960, Sorj Chalandon est l’envoyé spécial du quotidien Libération… ses chroniques, ses articles… toute une époque : « Dans un salon, sur des journaux toute une famille confectionne des cocktails Molotov, ailleurs une femme découpe des vieux chiffons, en fait des foulards pour les émeutiers… »

Hilaria, d’Irene, éditions Divergences, 2022, 154 pages, 14 euros

Le privé est politique, l’histoire familiale aussi. En revenant sur la vie des femmes de sa famille, en particulier de son arrière-arrière-grand-mère Hilaria, l’autrice de la Terreur féministe nous livre dans ce second livre un récit sensible et intime au croisement de la théorie politique et des grands évènements historiques. À travers la vie de ces femmes, basques, antifranquistes et ouvrières, Irene défend la perspective d’un féminisme anticapitaliste, anticarcéral, antifasciste et révolutionnaire.

Tous tes enfants dispersés, de Beata Umubyeyi Mairesse, 256 pages, J’ai lu, 7,20 euros

Un premier roman d’une jeune autrice rwandaise qui vit à Bordeaux depuis 1994. Trois voix se croisent. Trois voix qui crient le désespoir des survivantes du génocide. Trois voix qui tracent les espoirs tâtonnants de la reconstruction d’une identité rwandaise ancrée dans ce pays, sa beauté, la poésie de ses langues et de son imaginaire. Mais aussi des identités métissées brutalisées par les effets dévastateurs des dominations impérialistes dont les répliques ne cessent de percuter la vie des personnages.

Les aventures de China Iron, de Cabezón Cámara Gabriela, éditions 10/18, 216 pages, 7,60 euros

Paru en 2021, édité en poche en avril 2022, ce roman a été un immense succès en Argentine, sans doute parce qu’il épouse, à sa façon, les codes du roman fondateur des nations latino-américaines et que, dans le même temps, il constitue une ode à un monde nouveau, sous une plume acérée, sans concessions, porteuse d’une parole féministe et queer...

Bandes dessinées

Les Vieux Fourneaux, tome 7, Chauds comme le climat, de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet, éditions Dargaud, 2022, 56 pages, 13 euros

On y retrouve le vieux Pierrot, 75 ans au bas mot, au milieu des Black Blocs participant à une manif bien arrosée de gaz lacrymo… Au grand dam de son pote Antoine de la CGT, qui va se faire éclater par les CRS alors qu’il essaye de protéger les vitrines d’une banque. Désindustrialisation, extrême droite, violence de la répression et violences conjugales sont au rendez-vous de cette bande ­dessinée furieusement drôle.

Waco Horror : Elizabeth Freeman, l’infiltrée, Scénario Lisa Lugrin et Clément Xavier, dessins de Stéphane Soularue, Éditions Glénat, 2022, 157 pages, 22 euros

Année 1916. Waco, une ville dynamique et « progressiste » du Texas invite la militante féministe (suffragette) Elizabeth Freeman à donner une conférence sur les droits des femmes. Son ami, le sociologue afro-américain W.E.B. du Bois, militant pour les droits civiques et l’égalité, s’inquiète de la disparition d’un jeune noir accusé du meurtre d’une femme blanche. Il lui demande de mener une enquête discrète pour retrouver le jeune homme. Tous les faits sont authentiques et nous donnent la première BD « intersectionnelle » chez un grand éditeur, où le féminisme ultra présent se confond avec la lutte pour l’égalité, amplifiant cette dernière. Un « Black Lives Matter » du début du vingtième siècle en quelque sorte !

La sélection du Prix BD FNAC France Inter 2023

Journal inquiet d’Istanbul, de Ersin Karabulut, éditions Dargaud, 152 pages, 23 euros. Lire page 11.

Le Petit Frère, de Jean-Louis Tripp, éditions Casterman, 344 pages, 28 euros. La perte d’un frère et un deuil qui ne passe pas.

Les Pizzlys, de Jérémie Moreau, éditions Delcourt, 200 pages, 29,95 euros. Quitter l’enfer d’une vie ubérisée pour l’Alaska sauvage.

Nettoyage à sec, de Joris Mertens, éditions Rue de Sèvres, 152 pages, 25 euros. Quand la vie d’un modeste livreur bascule après une tuerie chez un client.

Perpendiculaire au soleil, de Valentine Cuny-Le Callet, éditions Delcourt, 436 pages, 34,95 euros. Un échange de lettres de l’auteur avec un condamné à mort incarcéré en Floride. Poignant.

La sélection Prix Fauve Polar du 50e festival d’Angoulême

Après L’Entaille d’Antoine Maillard aux éditions Cornélius qui a triomphé en 2022, le festival a mis en lecture pour le jury les 7 albums suivants :

Le Dormeur, de Carlos Aón et Rodolfo Santullo, trad. Thomas Dassance, éditions iLatina, 116 pages, 15 euros.

Reckless, éliminer les monstres, d’Ed Brubaker et Sean Phillips, trad. Alex Nikolavitch, éditions Delcourt, 144 pages, 16,50 pages.

Colorado Train, d’Alex W. Inker, éditions Sarbacane, 240 pages, 29 euros.

Hound Dog, de Nicolas Pegon, éditions Denoël Graphic, 204 pages, 24,50 pages.

Gauloises, de Serio & Igort, trad. Hélène Dauniol-Remaud, éditions Futuropolis, 88 pages, 17 euros.

Lost Lad London, de Shima Shinya, éditions Ki-oon, 192 pages, 9,95 euros.

Meurtre télécommandé, de Janwillem van de Wetering et Paul Kirchner, trad. Patrick Marcel, éditions Tanibis, 112 pages, 23 euros.