Publié le Mercredi 30 novembre 2022 à 15h52.

« Nous demandons l’abolition de la chasse qui est une pratique inutile et absurde »

Entretien. Marion du NPA de l’Orne (61) fait le point sur les arguments que son comité a opposés à Christophe de Balorre, président départemental de la fédération de la chasse de l’Orne mais aussi président du Conseil départemental, qui est intervenu plusieurs fois dans la presse sur la chasse, la présentant même comme « un art de vivre ».

Vous avez démonté les arguments faux repris des associations pro-chasse de Christophe de Balorre1. Commençons par le premier. La chasse est-elle un loisir ?

Pour nous, la chasse n’est pas un loisir, ni un sport ni un art de vivre. Tuer ne le sera jamais. Lorsqu’on aime le vivant on ne le préfère pas mort2. Toute tradition n’est pas bonne à garder en particulier les traditions cruelles, irrespectueuses de la vie et néfastes pour la nature. Rappelons qu’une majorité de Français s’opposent à la chasse3. Nous demandons l’abolition de la chasse qui est une pratique inutile et absurde, simple manifestation d’une pulsion mortifère.

Les chasseurs sont-ils nombreux ?

Non, ils représentent moins de 2 % de la population. Ils sont 1,1 million en France. Cette minorité s’accapare la nature pour un loisir sordide, dangereux et bruyant au détriment de 27 millions de randonneurEs — soit 56 % des FrançaisEs — et de 2 millions de cavalierEs, simples promeneurEs, cueilleurEs de champignons, amateurEs de photographie, sportifs... Il est vrai que la chasse représente un potentiel de 4 millions d’électeurEs. En 2021 la Fédération nationale des chasseurs a reçu 6,3 millions d’euros d’aides publiques ainsi que 28 millions d’euros de revenus. Cet argent a permis aux chasseurs de financer des activités de lobbying et de communication afin de défendre leur pratique d’un autre temps. L’enjeu électoral est immense.

Que répondez-vous à ceux qui disent que les chasseurs protègent la nature des nuisibles ?

Les blaireaux ne sont pas nuisibles. Les dégâts aux cultures qui seraient commis par les blaireaux sont rarement chiffrés et très exagérés. Pour les empêcher, des solutions de protection efficaces existent. Le blaireau est accusé de transmettre des maladies aux troupeaux mais cette accusation est scientifiquement controversée. Les chasseurs éliminent également des prédateurs naturels et auxiliaires4 utiles comme les renards, martres, fouines et belettes qui, de plus, s’auto-régulent. Les nuisibles ne sont pas ceux que l’on croit...

Les chasseurs ne protègent pas les cultures. Ils ne régulent pas la faune, ils la détruisent. Ils ont favorisé la prolifération des sangliers, notamment en éliminant leurs grands prédateurs tels que le loup. La surpopulation des sangliers s’explique également par l’agrainage qui consiste à nourrir les sangliers en forêt pour les éloigner des cultures agricoles. Or, il est prouvé que le nourrissage artificiel favorise leur prolifération. Par exemple, la préfète de la Meuse a décidé en 2020 d’interdire l’agrainage et, après deux années seulement, la population de sangliers est en baisse, et les dégâts aux cultures ont diminué de 30 %. Ce que les chasseurs ne sont jamais arrivés à faire. La plupart des espèces chassables étant en régression, un quart des animaux tués à la chasse — soit plus de vingt millions d’animaux — provient d’élevages spécifiques5. Ces animaux ne sont pas capables de se nourrir ni de se protéger, apportent des maladies liées aux élevages et perturbent les écosystèmes. Les chasseurs régulent donc des animaux d’élevage...

Les chasseurs se présentent parfois comme les premiers écologistes de France…

La meilleure façon de ne pas polluer la nature avec le plomb est l’interdiction de la chasse, tout simplement. Environ 22 millions d’animaux sont tués chaque année par les chasseurs en France. Les oiseaux représentent 80 % des cibles alors que des études déplorent la disparition d’un tiers des oiseaux dans les campagnes françaises en quinze ans. Parmi les 64 espèces d’oiseaux chassables, une vingtaine est inscrite sur la liste rouge des espèces menacées. Les associations de protection du bien-être animal jugent aussi cruelles des pratiques comme la chasse à la glu et le déterrage des blaireaux. Enfin, ne parlons pas du caractère anachronique de la chasse à courre… Car, si la souffrance du gibier est souvent au cœur du débat contre la chasse, les chiens souffrent également. Ils affrontent des animaux agressifs car acculés, se prennent dans des barbelés et parcourent plusieurs dizaines de kilomètres. Les chasseurs prodiguent souvent eux-mêmes les soins et laissent les plaies s’infecter. Les conditions de vie de ces chiens peuvent aussi être des plus sordides..

Est-ce que la sécurité est la priorité des chasseurs ?

Pour beaucoup de Français, la présence des chasseurs lors de leur randonnée suscite un sentiment d’insécurité. À raison, puisque qu’il n’existe aucun contrôle médical ou alcoolémique6 des chasseurs en France alors qu’ils utilisent des armes pouvant tuer à 3 kilomètres. Environ 150 accidents de chasse déclarés sont à déplorer chaque année. 9 % des accidents de chasse sont liés à l’alcool. Chaque accident est un accident de trop. Rappelons que les chasseurs n’ont pas besoin d’alcool pour commettre des accidents, mortels ou non. En octobre dernier un chasseur ébloui pas le soleil a tiré sur une femme et ses deux enfants. Depuis l’ouverture de la chasse nous en sommes déjà à une vingtaine d’accidents dont deux mortels.

La France est l’un des seuls pays d’Europe à ne pas imposer un jour sans chasse7. Il y a 7 fois plus d’accidents de chasse le dimanche, jour où la nature est très fréquentée. De plus, les chasseurs interdisent à un grand nombre de promeneurEs et sportifs l’accès à la forêt de manière arbitraire. Lors des rencontres avec les autres usagerEs les chasseurs ne sont pas courtois, mais souvent agressifs et méprisants. 82 % des FrançaisEs se déclaraient favorables à une interdiction le dimanche mais également un autre jour de la semaine. Un jour sans chasse est donc le minimum.

Que penses-tu de la proposition d’une application pour protéger les promeneurEs ?

Garder la vie grâce à une application mobile ? C’est ce que propose Christophe de Balorre. 1 Français sur 4 n’est pas équipé de smartphone. Que la sécurité des promeneurEs repose encore sur eux n’est pas normal. Se cacher derrière une solution technologique permet de se soustraire à toute décision politique, comme l’interdiction de la chasse, qui profiterait à l’immense majorité des FrançaisEs.