Publié le Jeudi 2 juillet 2020 à 19h19.

Une troisième loi de finances rectificative pour donner des milliards supplémentaires aux patrons

Entre mars et juin, le gouvernement aura fait adopter trois lois de finances rectificatives, consacrées essentiellement à donner des dizaines de milliards au patronat, et quelques miettes au reste de la société. Plus le temps passe, plus l’ampleur de la crise est revue à la hausse… et plus les milliards distribués sont eux aussi revus à la hausse.

Fin mars, avec la première loi de finance rectificative, le gouvernement a budgété 45 milliards d’aide au patronat. Mi-avril, avec la deuxième, ce sont 100 milliards. Fin juin, ce seront environ 120 milliards. Si on ajoute les prêts garantis par l’État, ce que fait le gouvernement dans sa présentation, on atteint le chiffre astronomique de 350 milliards pour le patronat.

Le gouvernement prévoit désormais une chute du PIB de 11 % en 2020, une baisse de la consommation de 10 % et un effondrement de l’investissement des entreprises de 24 %.

120 milliards pour les patrons, une dizaine pour le reste de la société

Ces aides pour le patronat se décomposent de la façon suivante :

• 31 milliards pour le financement du chômage technique. Cette enveloppe est sans cesse revue à la hausse. En avril, environ un salarié du privé sur trois était en chômage technique, et les administrations publiques ont financé à 100 % (jusqu’à 4,5 Smic) ce que les entreprises versaient aux salariés (84 % du salaire net). Depuis le 1er juin, les entreprises paient 15 % de ce qui est versé aux salariés. Dans le même temps, les entreprises ont massivement fraudé1 : un quart d’entre elles environ ont fait travailler en toute illégalité leurs salariés, sachant très bien que le gouvernement laisserait faire…

• 8 milliards pour un fonds de solidarité pour les petites entreprises.

• 20 milliards pour un fonds de renflouement des grandes entreprises : ils sont destinés à financer l’entrée de l’État dans le capital des entreprises « stratégiques » afin de les renflouer en fonds propres et les maintenir à flot (ainsi que soutenir leurs cours boursiers).

• 43 milliards pour des plans d’aide sectoriels (18 milliards pour le tourisme, 15 pour l’aéronautique, 8 pour l’automobile, 1,3 milliards pour la culture, 0,7 milliard pour les entreprises technologiques) sous forme d’exonération de cotisations, d’impôts et autres aides.

• 20 milliards environ sous forme d’aides diverses (surtout report ou annulation de cotisations et d’impôts, etc.) pour les autres secteurs.

Pour le reste de la société, la deuxième loi de finances rectificative prévoyait 8 milliards pour la santé (dont 4 milliards pour les personnels), et un peu plus d’un milliard pour la prime des fonctionnaires et l’aide aux ménages pauvres. La troisième loi de finances ajoute des clopinettes, avec 200 millions pour l’hébergement d’urgence, 155 millions pour les jeunes pauvres de moins de 25 ans, 283 millions pour le programme « vacances apprenantes » pour les jeunes scolarisés… et 7 millions pour lutter contre les violences faites aux femmes. Cela fait en tout une dizaine de milliards pour toute la société, un douzième de ce qui est versé aux patrons.

Une économie de guerre au service du patronat

Le gouvernement compte aller plus loin que ces mesures d’urgence pour le patronat. Le taux de l’impôt sur les sociétés baisse chaque année jusqu’en 2022 (pour atteindre 25 % en 2022 contre 33 % en 2017). Darmanin a indiqué être ouvert à une baisse, voire à une suppression d’un certain nombre d’impôts sur la production (contribution économique territoriale, contribution sociale de solidarité, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) en 2021. Alors que le déficit public explose (il devrait dépasser 11 % en 2020), le gouvernement veut amplifier le choc fiscal en faveur des entreprises… Pas très compliqué de deviner qui va être appelé à payer la facture ! Dans son intervention du 14 juin, Macron a déclaré : « Nous ne financerons pas ces dépenses en augmentant les impôts. Notre pays est déjà l’un de ceux où la fiscalité est la plus lourde […] la seule réponse est de bâtir un modèle économique durable plus fort, de travailler et de produire plus ». Autrement dit, il faut améliorer la compétitivité des entreprises (en baissant leurs « charges »), faire travailler davantage les salariéEs, qui seront donc les seuls à se sacrifier pour le pays…

Mais cela ne suffit pas encore : un stade supplémentaire va être franchi avec le subventionnement des salaires, voire même de l’investissement des entreprises. Ce sont des mécanismes typiques de l’économie de guerre pour restaurer la profitabilité des entreprises. L’Institut Montaigne propose que « l’État subventionne à hauteur de 10 % l’investissement domestique de toutes les entreprises2 ». Trois économistes du premier cercle macronien3 proposent que l’État subventionne les salaires (jusqu’à 30 % !) versés par les entreprises des secteurs en difficulté. Alors que ces économistes ou le patronat ne cessaient de répéter qu’il fallait réduire les dépenses publiques, que l’État était « en faillite », Geoffroy Roux de Beyzieux déclare aujourd’hui que « l'orthodoxie budgétaire est une mauvaise idée », et que « le niveau absolu de dette n'est pas le problème4 » !

Il faut mesurer l’ampleur et l’ignominie de ce projet : faire prendre en charge par la collectivité une grande partie des « coûts » des entreprises pour restaurer les profits. Bien entendu ces économistes ne s’attardent pas sur la contrepartie de cette économie de guerre : la baisse massive du niveau de vie des travailleurs/ses. Car il n’y a pas d’argent gratuit : les énormes déficits publics se traduiront soit par des plans d’austérité massifs, soit par une forte inflation (en cas de forte monétisation de la dette publique) sur les biens ou sur les actifs. Dans tous les cas, les travailleurs/ses seront perdants… sauf si notre mobilisation met en échec ces plans barbares et impose une rupture avec le système capitaliste.

D’ores et déjà, le gouvernement réfléchit à un nouveau dispositif de « chômage partiel » baptisé « activité réduite pour le maintien en emploi » (ARME), en cherchant à y associer les « partenaires sociaux ». Le principe serait le suivant : un accord d’entreprise permettrait une baisse du temps de travail et des salaires, avec un engagement au maintien de l’emploi… et l’État compenserait une partie de la baisse de salaires.

Nos organisations syndicales doivent clairement refuser ces accords de dupes et préparer un plan de bataille pour imposer une autre logique, mettre un stop aux milliards de cadeaux au patronat ! Si les patrons ne peuvent plus payer les salaires ou suppriment des emplois, ils doivent être expropriés et leurs entreprises doivent être nationalisées sous le contrôle des travailleurs/ses !