Publié le Mardi 9 juin 2015 à 12h23.

Intervention du NPA à « quelle politique de gauche pour l’éducation »

Le NPA a été invité à la journée « quelle politique de gauche pour l’éducation » j’y étais, au nom de la commission éducation nationale du NPA. 

Le débat était organisé par le « Front de gauche – Education », mais en réalité, c’était un moyen pour le PCF de définir son programme pour l’éducation nationale aux prochaines élections régionales. Au moment le plus fort, le débat a regroupé une centaine de militants, essentiellement des militants syndicaux. Le SNEP (professeurs d’EPS) était fortement représenté. 

Le matin, étaient présent proviseur du lycée Diderot et Henriette Zoughebi, vice- présidente (PCF) de la région Île de France en charge des lycées. Marine Roussillon, responsable des questions d'éducation au PCF, a cadré la journée. Voici mes quelques notes sur son introduction :

- Le PCF doit définir un projet pour tous, pour faire réussir tous les élèves,

- Le PCF est pour pour une école pour l’égalité, qui forme des citoyens émancipés,

- L’objectif est de sortir de la crise économique, en élevant le niveau de qualification,

- Dans la préparation de cette journée, on leur a posé la question « pourquoi une politique de gauche ? », car aujourd’hui la gauche est divisée et c’est grave. Être de gauche aujourd’hui, c’est refuser l’austérité.

Ensuite, la salle s’est divisée en ateliers. J’ai assisté à l’atelier « Crise du recrutement, crise du métier d'enseignant… Quels enseignants pour assurer la réussite de tous ? ». Cet atelier était introduit par Claire Pontais, du SNEP-FSU, responsable dans la FSU des questions entrée dans le métier. Elle a contribué a définir les mandats de la FSU sur la mastérisation (et les « trois voies » d’entrée dans le métier : pré-recrutement ; par les études et le concours et par reconversion). Elle a exposé le point de vue de la FSU, qui est devenu de facto le point de vue du PCF.

C’est d’ailleurs un élément marquant de cette journée, une sorte de courroie de transmission à l’envers : ce sont les militants syndicaux qui donnait la ligne au parti. Cette ligne est donc par nature réformiste et immédiate. Il n’y avait aucune réflexion, ni intervention de fond ni sur la finalité de l’école, ni sur l’actualité (sur la réforme du collège et la grève du 19 mai) et les moyens d’action.

L’après-midi, le NPA était invité à une table ronde. La table ronde était constitué de avec des représentants de Michel Fouquet (SNEP-FSU), Bertrand Geay (Front de gauche éducation), Jean-Michel Pajot (Ensemble), Marine Roussillon (PCF) et moi-même (NPA).

La présidente de la table ronde a lancé une série de question auxquelles nous étions invités à répondre. J’en ai profité pour recaser des parties  du l'introduction ci-dessous. Le débat a clivé entre nous et le PCF sur 3 éléments :

- Rupture avec le PS (gros désaccord à la tribune et dans la salle)

- La nécessité de lutter contre ce gouvernement (Jean-Michel Pajot, d’Ensemble) a introduit cet élément dans le débat, y compris sur des batailles locales (mineurs isolés dans le 19e, par exemple). Et s’il y avait accord verbal avec le PCF, cela n’a eu aucune conséquence.

- Nous sommes contre l’école de la réussite pour tous et de l’égalité des chances, nous sommes pour une école de l’émancipation de chacun et qui est profondément inégalitaire – dans le sens où on est pour donner plus à ceux et celles qui ont moins.

La journée s’est conclue par une intervention de Pierre Laurent.

  

1. Le « saut qualitatif » dans les réformes actuelles

Il y a un flou dans l’intitulé du débat. Qu’est-ce que « la gauche » aujourd’hui ? Ceci est lié à la continuité des politiques du PS et de la droite avant (autour des thèmes de « l’égalité des chances » ou de « la réussite pour tous. ») Lorsqu’on voit que c’est Bayrou qui appelle le premier à une manifestation nationale contre la réforme du collège, nos interrogations augmentent.

Pour notre courant politique, la gauche c’est « le compromis historique entre la petite bourgeoisie et le prolétariat » (Sabado). Nous ne pouvons pas nous contenter de ce compromis lorsqu’on parle d’école et d’éducation.

Au delà de ce débat sémantique, il y a aujourd’hui un saut qualitatif dans les réformes que met en place le PS. Cela grâce à trois changements majeurs qui viennent s’imbriquer parfaitement : la réforme des rythmes scolaires, la réforme des collèges et la territorialisation. Le ciment faussement « pédagogique » de ces briques est donné par la réforme des programmes. D’un certain côté, la droite avait déjà mis en œuvre ces chantiers : l’école du Socle date de 2005, la territorialisation de 2003.

Le PS peut se félicité d’avoir réussi là où la droite avait essayé de nombreuses fois : la fin de l’éducation Nationale. C’est à dire la fin d’une éducation  dont la finalité serait la même pour tous les jeunes sur tout le territoire. Au lieu de se poser la question de ce qu’on veut enseigner et d’en faire découler les moyens (inégaux sur le territoire) pour y arriver, c’est exactement l’inverse qui est proposé. Les moyens sont les mêmes partout et ce sont les finalités de l’école ou du collège qui vont varier d’un endroit à un autre.

Quel est le but du PS ? Faire diminuer le budget de l’éducation nationale. C’est le syndicat FO qui le signale : entre 2006 et 2014, la baisse d’investissement est de 6% pour les collèges et 10% pour les lycées (en prenant en compte l’inflation)

 

C’est pourquoi il semble cohérent de définir aujourd’hui une politique anticapitaliste pour l’éducation. Cela passe par

- Une analyse de l’école que nous voulons, ce qui n’a rien à voir avec l’école qui a été construite par les différents gouvernements ces 30 dernières années.

- Des  pratiques éducatives et militantes qui ne sont pas en contradiction avec nos idéaux.

- Et surtout une lutte acharnée contre les « réformes » qui détruisent l’éducation nationale.

 

2. Quelle école voulons nous ?

Il est difficile aujourd’hui de prédire ce à quoi ressemblera l’école dans une société « révolutionnée ». Nous pouvons du moins retenir quelques grands principes dans la perspective d’une éducation égalitaire, émancipatrice et démocratique.

 

a. Une école pour tous

L’école doit se donner les moyens de tous les scolariser tous les enfants de 2 à 18 ans, ce qui suppose l’existence d’une véritable sectorisation, accompagnée d’une lutte contre les inégalités territoriales. Elle doit tous les accueillir sans discrimination en respectant leurs différences. Notre rôle est de défendre la totale gratuité des études, c’est-à-dire l’abrogation de tous les frais imposés (frais d’inscription, de scolarité, de matériel, de cantine). Tous les enfants, dès leur plus jeune âge doivent pouvoir être accueillis dans un service public,  gratuit, de la petite enfance.

Pour penser le monde et le réinventer, l’école doit s’ouvrir à la société par des activités hors les murs. Tous les enfants et les jeunes devraient pouvoir participer régulièrement à des collectivités d’enfants (centres d’activités, colonies de vacances, clubs), être impliqués dans des activités sportives, culturelles, militantes, partir à l’étranger

 

b. Une école émancipatrice qui contribue à construire une culture commune.

Nous réclamons une éducation pluridisciplinaire, dispensée dans le cadre de cours collectifs, mais aussi d’ateliers, de travaux personnels, à la mesure des possibilités de chaque âge. La formation doit être polyvalente pour tous, associant formation générale et formation technique sans hiérarchisation des savoirs. Elle doit favoriser l’esprit critique et non l’accumulation de connaissances académiques. Une pédagogie différenciée suivant les difficultés des élèves et des passerelles doivent être aménagées à tous les niveaux du parcourt.

Une réelle égalité de genre doit être assurée. Une école égale pour tous et toutes nécessite de revoir les méthodes d’éducation, d’enseignement et leurs conséquences sur l’emploi.

L’école doit permettre l’apprentissage d’une vie en collectivité et d’un esprit critique. Une école qui respecte le rythme des enfants et qui repense la structure classe.

 

c. Une école qui se donne les moyens de réussir. Une école libérée des impératifs financiers

Des moyens conséquents doivent être donnés aux établissements, pour assurer un nombre de personnels suffisant et diminuer le nombre d’élèves par classe.

Parallèlement il faut supprimer le financement par les fonds publics de l’école privée. Nous sommes pour la nationalisation de l’école privée (confessionnelle ou patronale), sans rachat, ni indemnité.

 

L’éducation doit être gratuite, afin de la préserver des logiques économiques. Le contenu des enseignements, la structure des études, les diplômes et l’orientation doivent échapper au marché et aux besoins du patronat. Les bâtiments, le fonctionnement, les budgets doivent être à la hauteur de l’enjeu : l’éducation de la génération qui nous suit.  Cela veut dire rénovation et construction des établissements.

d. Une école solidaire, à taille humaine

L’école doit servir à éduquer les enfants et les jeunes à une vie de coopération avec les autres, de respect de la planète, de rejet des discriminations (racisme, sexisme, homophobie),  et échapper aux logiques de l’individualisme et de la compétition.

 

Les bâtiments doivent permettent l’épanouissement de tous, des classes avec un nombre d’élèves réduit par adulte et des personnels formés, stables, disposant du temps nécessaire pour travailler en équipe et en partenariat.

e. Une écolé démocratique, populaire, servie par des pédagogies progressistes.

Seule la pratique démocratique, associant les personnels, les parents, les élèves et tous les citoyens permet de réorganiser le système éducatif avec des objectifs partagés et des pratiques adaptées à la situation de chaque établissement. Cela implique des relations adultes/ jeunes qui ne soient plus basée sur la seule relation d’autorité et favoriser l’auto-gestion des établissements

 

L’éducation populaire que nous défendons reconnaît à chacun la volonté et la capacité de progresser. Pour cela il faut aussi renouveler nos pratiques en s’appuyer notamment sur  les recherches des mouvements pédagogiques progressistes (pédagogie Freinet, celles de Paulo Freire ou Janus Korkzac etc.), redéfinir les programmes et les liens entre les disciplines.

f. Une école pour toute la vie.

L’école que nous voulons ne s’arrête pas avec l’enfance. Arrivés à la majorité, tous doivent avoir accès à une formation professionnelle gratuite, et par la suite pouvoir se réorienter ou acquérir des savoirs nouveaux pour le simple plaisir d’apprendre, dans le cadre d’ « université populaires » par exemple. Le droit d’apprendre à chaque instant de sa vie doit être inconditionnel.

 

Ces grands principes et ces propositions nécessitent un puissant service public d’éducation et une politique ambitieuse pour l’école, peu conforme avec les politiques libérales actuelles. La mise en œuvre de l’école que nous voulons est indissociable du combat pour une société plus juste : aujourd’hui, lutter pour une autre école, c’est lutter pour une société en rupture avec le capitalisme.

 

3. Des pratiques anticapitalistes

Nous nous battons au quotidien pour l’égalité, la démocratie et l’émancipation. Nous souhaitons une mobilisation d’ampleur pour l’abrogation de la réforme du collège. Là où nous sommes présents (dans les établissements, dans les syndicats), nous défendons la nécessité d’une grève, reconductible, contre cette réforme.

Au delà de cette lutte immédiate, nous voulons la fin des projets territoriaux (PEDT) et l’abrogation des rythmes scolaires. Nous sommes pour un retour à une éduction nationale.

 

Nous savons que les conditions de travail des personnels de l’éducation sont fortement lié aux conditions d’études des jeunes. C’est pourquoi il nous paraît indispensable d’augmenter les salaires immédiatement de 300€ et d’imposer qu’aucun salaire ne soit inférieur à 1700€ (net) dans la fonction publique.

Au delà de la question des salaires, une première mesure serait d’imposer que les classes ne dépassent pas un certain seuil (24 en lycée ; 20 au collège et le lycée pro ; 18 à l’école) et que l’Etat se donne les moyens nécessaire pour ce faire. Cela veut dire une augmentation du nombre d’enseignant, la titularisation sans condition des enseignants précaires et surtout une augmentation des personnels non-enseignants, qui sont souvent broyés sous la quantité de travail qu’ils/elles ont à faire.

Cette ligne politique s’oppose frontalement à ce que fait le gouvernement aujourd’hui (gel des salaires ; dépassement des seuils ; diminution des personnels ; mise en place de hiérarchies intermédiaires).

 

En conséquence, ce qui s’impose à nous c’est la nécessité de lutter de la manière la plus unitaire possible. Lorsqu’une bataille prend de l’ampleur, il est indispensable que ce soit ceux et celles qui luttent qui puissent décider des suites et des issues de leur lutte. C’est pourquoi nous défendons la tenue d’assemblées générales représentatives démocratiques, de coordination locale, régionale ou nationale, si cela se pose, où tout peut être débattu et décidé collectivement. Nous nous opposons aux représentants auto-proclamés et nous défendons une démocratie représentative et participative.

En temps régulier, nous nous investissons dans les syndicats, les associations de parents d’élève, etc. Bref, les structures qui cherchent à défendre collectivement nos intérêts immédiats.

Enfin, nous n’attendons pas le Grand Soir pour agir au quotidien. Dès aujourd’hui, dans nos classes, nous mettons en place des pratiques alternatives qui correspondent à ce que nous défendons en général (démocratie, émancipation, liberté pédagogique).

 

4. Et pour finir…

En guise de conclusion, il nous semble important de rappeler que l’Ecole telle qu’elle est aujourd’hui est un rouage essentiel du système capitaliste. De même que nous ne croyons pas qu’en changeant uniquement l’école, on changera la société (par étapes), il nous paraît impossible de changer la société sans détruire cette école là. Cela ne veut pas dire que dans une société transformée révolutionnairement, il n’y aura plus d’éducation. Bien au contraire, l’éducation sera pour toutes et tous, tout le temps. Cela veut dire au contraire que l’école n’est pas un havre de paix coupé de la société. Actuellement, l’Ecole est un terrain de luttes importantes, qu’il nous paraît indispensable de mener tous ensemble.