Publié le Mardi 9 octobre 2012 à 12h45.

Défricher le chemin de la révolte

La popularité de François Hollande est en baisse rapide depuis son élection. Parti de près de 60 % d’opinions favorables en juin, il rassemble aujourd’hui plus de mécontents que de soutiens. Une usure que Nicolas Sarkozy n’avait connue qu’au bout de cinq mois. Pourtant, Hollande réunit des atouts non négligeables : une politique au service des classes dominantes, quelques mesures pour démontrer que la nature du PS n’est pas strictement identique à celle de l’UMP, un soutien pour l’instant sans faille des directions syndicales.

 Un gouvernement déjà sous le feu de la crise

La si rapide baisse de popularité de Hollande est due à la rapidité de la crise et aux évolutions des rapports entre les classes que celle-ci provoque. Pour la bourgeoisie, Hollande ne va pas assez vite dans les mesures antisociales et a même l’audace de prendre quelques mesures défavorables aux plus riches, comme la taxe soi-disant à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros.

Pour la majorité de la population, domine l’impression de la totale inefficacité de l’action de Hollande, que ce soit sur le chômage, les salaires ou la santé.

Pour les plus conscients, l’illusion selon laquelle la politique de Hollande serait moins pire que celle de Sarkozy commence à s’évaporer, sous le coup des déclarations favorables à l’austérité, du soutien au traité européen de stabilité budgétaire, des déclarations racistes d’un Manuel Valls qui n’a rien à envier à Sarkozy, des plans de licenciements pour lesquels Arnaud Montebourg, après avoir fait la tournée des patrons, ne promet plus que de « réduire l’ampleur des suppressions de postes ».

De tous les côtés donc, la crédibilité de Hollande s’érode. Elle ne s’use pas encore au point de provoquer une révolte populaire, l’attentisme demeure dominant. Dans les organisations syndicales, les appareils s’interrogent toujours sur la mise en place des « promesses de Hollande », se plaignent des « stigmates » de l’ère Sarkozy, indiquent aux militants que « le changement » ne peut arriver en quelques mois et qu’il faut laisser du temps au gouvernement.

Par conséquent, c’est bien la bourgeoisie qui reste à l’offensive, qui fait tout pour clarifier le sens de la présidence Hollande. Pour elle, le passage de Sarkozy à son successeur ne peut avoir comme rôle que de répondre à l’usure du premier, de relancer l’offensive de la classe dominante et l’adaptation du capitalisme français à la crise ainsi qu’à la concurrence internationale, en désarmant une partie du mouvement ouvrier. 

Deux armes contre le mouvement ouvrier

Ses deux outils principaux sont le traité européen de stabilité budgétaire (TSCG) et les plans de licenciements. Le premier concentre la logique de la politique du gouvernement : réduire les déficits, faire payer la crise aux classes populaires, adopter un budget d’austérité. Dans la gauche politique et syndicale, l’opposition au traité se renforce, mais reste inconséquente. Les directions syndicales, CGT et FSU en tête, s’opposent au traité tout en traînant des pieds pour appeler à manifester leur opposition (la FSU a fini par appeler sous la pression des sections de base). Le conseil fédéral d’Europe Ecologie-Les Verts s’est prononcé à 70 % contre la ratification, mais on annonce déjà que ses parlementaires partageant cette position pourraient seulement s’abstenir. Le Front de gauche mobilise contre le traité, mais le PCF et le Parti de gauche centrent leur action sur l’organisation d’un référendum au détriment du rapport de forces pour s’opposer au vote par les députés.

L’adoption du TSCG joue autant un rôle interne (homogénéiser les gouvernements européens sur les mesures d’austérité à prendre, construire des mécanismes de contrainte pour accélérer les mesures antisociales) qu’externe : exercer une pression sur les partenaires du PS et le mouvement ouvrier, convaincre la population qu’il n’y a pas d’autre choix que la régression sociale, préparer les budgets d’austérité. Elle s’inscrit pleinement dans « l’agenda 2014 » de Hollande, en référence à « l’agenda 2010 » de l’ancien chancelier allemand Schröder qui avait fait tant de mal aux travailleurs d’outre-Rhin, avec une sérieuse aggravation de la précarité et de fortes baisses des salaires, retraites et indemnités de chômage.

Les plans de licenciements sont le deuxième outil de la classe dominante. Leur rôle, outre d’augmenter les profits, est d'infliger une défaite au mouvement ouvrier sur plusieurs plans. Il s’agit premièrement d’accélérer la réorganisation de la production en cassant les grandes concentrations industrielles. Deuxièmement, d’imposer une plus grande flexibilité de l’emploi, une remise en cause du CDI. Les plans de licenciements concernent en effet des CDI, mais aussi des dizaines de milliers de fin de contrats en CDD ou en intérim, ainsi qu’environ 200 000 ruptures conventionnelles par an. Si les licenciements passent en bloc et sans réactions majeures, les accords « compétitivité-emploi » (réduction des salaires et des congés, restriction des libertés syndicales…) auront toute légitimité à se mettre en place, surfant par ailleurs sur une première attaque contre le droit du travail, les « contrats de génération ». Troisièmement, le patronat souhaite infliger une défaite politique au mouvement ouvrier en cassant les principaux bastions ouvriers et les syndicats qui y existent, dont certains sont d’ailleurs dirigés par des militants révolutionnaires.

Là encore, la réaction des organisations du mouvement ouvrier est un test. Que ce soit à la CGT ou au PCF, malgré le nombre des militants impliqués dans la bataille contre les licenciements, les directions parviennent pour l’instant à tenir un cap qui consiste à ne pas construire de mobilisation de masse : refus de coordonner les entreprises en lutte pour l’une, maintien de la revendication de l’opposition aux seuls « licenciements boursiers » pour l’autre, une aberration en temps de crise.

Aider à faire comprendre que ce gouvernement n’est pas le nôtre

L’enjeu de cette rentrée sociale, de ces batailles contre le TSCG et les licenciements est considérable. Si le TSCG était accepté passivement et si les plans de licenciements étaient imposés, ce serait des défaites politiques importantes pour notre camp social, car il faudrait reconstruire les luttes face à un arsenal idéologique renforcé, et avec des troupes réduites par les suppressions de postes. La prise de conscience de la nécessité de se mobiliser contre ces attaques et de combattre le gouvernement est donc un enjeu pour les anticapitalistes et les révolutionnaires.

Du temps sera bien sûr nécessaire pour que ce processus avance. Il a fallu plus d’un an pour déstabiliser le gouvernement de gauche Papandréou en Grèce, il nous faudra des mois, des expériences, des explications pour construire une opposition de gauche au gouvernement Hollande. La bataille contre le TSCG puis contre le budget d’austérité et celle contre les licenciements en sont les premières étapes.

Ces étapes et les suivantes provoqueront des décantations au sein des organisations politiques comme syndicales, une clarification entre les groupes militants combattant frontalement le gouvernement et ceux qui accompagneront sa politique. La rapidité de ces décantations et de la prise de conscience des travailleurs sera décisive pour sortir de la spirale des défaites sans combat.

Pour accélérer ces décantations, le rôle des anticapitalistes et des révolutionnaires est de proposer des stratégies, des outils pour l’action.

Une stratégie dans les luttes : pour la centralisation des mobilisations contre les licenciements et les suppressions de postes, pour l’interdiction des licenciements, le partage du temps de travail et des créations massives de postes dans le secteur public ; pour une bataille militante contre le TSCG, contre l’austérité et le budget antisocial en préparation.

Une stratégie pour construire une opposition unitaire au gouvernement, regroupant des militants de tous bords, syndicaux, politiques, associatifs. Une opposition qui doit trouver une cohérence internationale, en se liant aux mobilisations en Espagne, au Portugal ou en Grèce.

Une stratégie pour la rupture avec le capitalisme, pour démontrer que si les gouvernements de gauche comme de droite mènent une politique antisociale, c’est tout simplement parce que les classes sociales fondamentales, la bourgeoisie et la classe des travailleurs, ont des intérêts contradictoires. Cette incompatibilité d’intérêts peut être partiellement masquée en période de stabilité économique et lorsque les pays riches peuvent exploiter sans heurts les pays dominés, mais elle apparaît avec la plus grande violence en période de crise économique d’ampleur.

Défricher les chemins de la révolte, c’est se détourner des impasses des compromis avec le gouvernement, de l’attentisme, c’est montrer qu’il n’y a pas d’autre route que celle qui mène à l’affrontement avec ce gouvernement et avec le capitalisme.