Publié le Mercredi 5 novembre 2014 à 09h24.

Situation dans l'automobile

Dans la contexte de la crise de l'industrie automobile ayant démarré en 2008, la situation est marquée par la permanence de cette crise combinée avec un petit changement de conjoncture observée depuis le début de l'année 2014 en Europe et en France. Alors qu'il ne s'est jamais autant produit et vendu de voitures dans le monde, l'Europe et plus particulièrement l'Europe du Sud dont la France, sont  les « maillons faibles» de cette industrie mondialisée.

 

1. PSA et Renault indiquent pour 2014 une augmentation de leurs ventes et de leurs productions, mais ce plus réel est très loin de compenser les baisses accumulées depuis 6 ans.

Les ventes d'automobiles devraient progresser  d'environ 5 % en France et en Europe. Mais la  production d'automobiles est passée en France de 3 millions en 2007 à 1,4 million en 2014. Le plus probable : les niveaux de production d'automobiles atteints en France  en 2007 ne seront jamais rattrapés. Un exemple : PSA se vante d'avoir comme objectif un million de voitures produites en France en 2017. Dix ans avant, c'était un million de demi, 50 % en plus.

 

2. Les profits de Renault et PSA augmentent en 2014, comparés avec 2013.

 

Les « résultats nets », indicateurs du profit,  de Renault et PSA

 

 

1er semestre 2013

1er semestre 2014

PSA

-100 millions euros

+477 millions d'euros

Renault

+13 millions d'euros

+749 millions d'euros

  

L'exploitation est toujours la même pour les salariés, mais selon les moments les firmes capitalistes font plus ou moins de profits ; en période de crise certaines crèvent et d'autres survivent. Le retour aux profits pour Renault et PSA  est la conséquence du changement de conjoncture et de l'application des plans de compétitivité.

 

3. On est entré dans la phase d'application des plans de compétitivité Renault et PSA

Les années 2012 et 2013 ont été marquées par la restructuration de PSA autour de la fermeture de l'usine d'Aulnay et de la signature chez PSA et Renault des accords de compétitivité. Traduction  dans l'automobile de l'accord national interprofessionnel ANI, ils produisent leurs effets et sur les conditions de travail dans les usines… et sur les profits.

Chez PSA, les faits marquants : blocage des salaires. Passage au monoflux à Poissy et Mulhouse, Pratique de l'overtime qui déstabilise la vie, la flexibilité au jour le jour heure par heure. Diminution des stocks. Poursuite de la restructuration avec investissements différenciés selon les usines, Sochaux préservé, Rennes et surtout Poissy  dans le viseur des suppressions d'emploi.

Chez Renault, même blocage des salaires et augmentation de la durée effective du travail. Nouvelles productions dans les usines de voitures Nissan, Fiat et Opel. Augmentation de la précarité. A Sandouville, 80 % d'intérimaires sur chaines de montage

 

4. Renault et PSA plongés dans la mondialisation. La tendance continue, avec comme élément nouveau la volonté affichée par PSA d'avancer plus vite dans son internationalisation.

La mondialisation tous continents tournée vers la Chine, l'Asie, Afrique et Amérique latine : développement conjoint des usines de production et marché de vente d'automobiles pour les parties les plus riches des populations. Tant pis pour les cocoricos tricolores ! Ni Renault, ni PSA ne pouvaient survivre seuls dans la concurrence mondialisée de l'automobile : d'où l'alliance Renault avec Nissan qui devient fusion « irréversible selon Carlos Ghosn et l'entrée dans le capital de PSA du chinois Dongfeng. Première conséquence, l'augmentation  des ventes de voitures PSA en Chine.

Aujourd'hui il n'y a pas de concurrence directe entre usines européennes d'une part et usines de Chine ou d'Amérique latine. Les voitures produites dans ces pays ne sont pas (ou peu) exportés vers l'Europe. Mais le développement dans ces pays implique des investissements financés notamment par les gains réalisés dans les « vieilles » bases européennes. La mondialisation de la production est en ce sens un moyen de pression supplémentaire sur les conditions de travail ici.

 

5.  L'espace de production européen de Renault et PSA s'organise à l'intérieur d'une Europe élargie à sa partie  Est, au Maghreb et à la Turquie.

Renault a pris de l'avance sur PSA avec les usines de Slovénie, Roumanie et Turquie intégrées à ce dispositif. L'usine de Tanger en est une étape nouvelle.  La capacité de production de Tanger sera de 400 000 véhicules par an (aujourd'hui de  340 000), alors que la production Renault en France avait été de 532 000 en 2012 et ne dépassera plus 700 000.  Ce n'est pas une concurrence France contre le reste des usines. La concurrence directe de Renault Tanger est l'usine Dacia de Roumanie. 

Le Tanger de PSA est aujourd'hui l'usine de Trnava.  Sa capacité de production est de 300 000 voitures, le tiers de la production PSA annoncée pour 2017 en France. Elle est en  concurrence directe avec l'usine de Poissy. Le « retard» de PSA  affirmé par la nouvelle direction Tavarès indique que les investissements dans cette grande Europe vont s'accélérer. Comme les marchés de vente n'augmentent plus en Europe, toute nouvelle usine entraîne un diminution de la production ailleurs. Répartition du travail entre tous ou bien concurrence exacerbée : il n'y a pas d'autre alternative face à ces plans patronaux

Travailleurs et usines de Renault et PSA sont mis en concurrence à l'intérieur de cet espace européen élargi. Chaque firme a son plan européen d'amélioration de la compétitivité. Pour Renault, l'usine Nissan de Sunderland en Angleterre est la norme exemple. Chez PSA, le plan « Usines excellentes » prévoit une augmentation de la productivité de 5 à 7 % par an, 30 % dans les 5 prochaines  années. Les usines de Trnava et de Vigo en Espagne servent de référence.

A l'horizon des trois prochaines années, compte-tenu des nouveaux investissements annoncés, le plus probable est l'accentuation de la pression dans chacune des usines de Renault et PSA existantes avec le « rabougrissement » organisé de certaines d'entre elles, comme Renault Flins ou PSA Poissy. Tout retournement de conjoncture automobile avec l'accentuation de la crise en Europe changerait bien sûr ces plans.

 

6. La poursuite du démembrement de la production automobile et les nouveaux rapports de force entre constructeurs et équipementiers

La crise commencée en 2007 a accéléré les changements à l'intérieur de la filière automobile. Aujourd'hui, pour une voiture dont le prix de vente catalogue est de 20 000 euros, prix moyen d'une voiture neuve PSA, le prix de revient fabrication est de 10 000 euros. L'écart est dû aux taxes, aux ristournes  clients,  aux concessionnaires et la publicité commerciale (ce dernier poste est de 3 000 euros par véhicule vendu). Sur ce prix de 10 000 euros les achats aux équipementiers sont de 7 000 euros,  soit 70 % du total

Le poids des équipementiers va encore augmenter. Il y aura de plus en plus de techniques hors compétence classique des firmes automobiles dans les voitures. Mais surtout la rentabilité affichée par les grands équipementiers, de l'ordre de 5à 7 % est supérieure  celle des constructeurs de 2 à 3 % pour Renault et PSA les années les plus profitables. Comme la rentabilité appelle les capitaux les grands  équipementiers vont en attirer de plus en plus

La restructuration de la filière est en cours, financée par l'Etat, Renault et PSA. Entouré par des centaines  de sous traitants, Valéo, Faurécia et Plastic Omnium sont les principales  firmes françaises de la filière.  Bosch, Continental ou Magneta Marelli sont aussi présentes en France. Que ce soit en poids économique, nombre d'emplois et taille des établissements, les usines des équipementiers automobiles deviennent tout aussi importantes que les usines PSA ou Renault, les usines PSA de Mulhouse et Sochaux et le Technocentre de Guyancourt restant des  exceptions au regard de la tendance à des établissements automobiles ne dépassant pas en France 5 000 salariés.

La question de la convergence des luttes dans la filière automobile doit donc intégrer de plus en plus constructeurs automobiles, équipementiers et sous traitants et identifier les donneurs d'ordre. Un retard à combler dans notre intervention.

 

7. Quelques éléments de perspective

Le constat du Mondial de l'automobile 2014 est là. Pourtant inférieure à celle de années précédentes, l'action Ford a réuni la moitié de ce qu'a organisé dix jours plus tard toute la fédé CGT Métallurgie appuyé par quelques  syndicats Sud. Au delà du bilan de notre intervention et de celle de la CGT, il n'y avait pas en 2014 les luttes qui avaient polarisé les années précédentes tout le secteur, notamment les luttes de Conti ou d'Aulnay.

Dans une  situation où les attaques se font établissement par établissement, appliquant  et traduisant les accords de compétitivité  signés au plan national, la centralisation des luttes est plus difficile. La concurrence exacerbée entre usines, ne peut être combattue qu'avec la perspective de la répartition du travail entre tous les sites, aussi bien en  France même, qu'à l'échelon de l'Europe élargie. Se saisir des exemples des grèves Renault-Dacia en Roumanie pour montrer que ces luttes  élèvent par le haut les salaires et sont utiles à tous.

PSA et Renault se servent de la situation pour pousser leur avantage. L'augmentation de leurs profits en 2014 en est la preuve. Le petit frémissement de la conjoncture automobile peut rendre plus insupportable le décalage entre ces profits retrouvés et la poursuite du blocage des salaires. Les moments de lutte ne sont pas ceux où les attaques sont le plus violentes mais souvent ceux où  gagner sur les revendications apparaît plus à portée de la lutte, précisément lorsque le patronat affiche de meilleurs résultats pour ses profits.

Les profits retrouvés, au moins pour un temps, de PSA et Renault, montrent que leur politique a, de leur point de vue, sa cohérence. Restructurations, blocage des salaires, augmentation de la durée du travail et de la flexibilité leur ont permis de retrouver des profits. Ce n'est pas la fin de la crise de l'automobile en Europe mais ils nous montrent que  sans confrontation avec le capital  il n'y  a pas de possibilité de gagner, y compris sur  les revendications immédiates.