Publié le Samedi 12 octobre 2013 à 13h36.

14-18. Fusillés pour l’exemple : la barbarie impérialiste

Alors que l’État se prépare à commémorer le centième anniversaire de la Première Guerre mondiale, cette première grande boucherie impérialiste, une commission officielle d’historiens a remis au ministre des Anciens Combattants, Kader Arif, un rapport au sujet de la réhabilitation des soldats fusillés pour l’exemple.Près de 2 500 condamnations à mort furent prononcées et plus de 600 exécutées dont environ 430 l’ont été en 1914 et 1915 après des conseils de guerre improvisés et sommaires. Sur un front qui n’était qu’un immense charnier, sous les obus et la mitraille, des hommes ont eu peur, ont refusé de partir à l’assaut, de tuer ou encore d’obéir à des ordres absurdes donnés par des officiers paniqués. À ces condamnations sommaires s’ajoutent les exécutions sommaires ou les soldats sacrifiés dans des expéditions sans retour. 

Féroces avec les révoltés...En 1917 a lieu une véritable répression contre la vague des mutineries du Chemin des Dames provoquée par la folle et criminelle offensive décidée par le général Nivelle. Face à l’entêtement de l’état-major, des mutineries éclatent et gagnent progressivement toutes les armées le long du front pendant huit semaines. Elles toucheront 68 divisions sur les 110 qui composent l’armée française. À Craonne, lors des sanglants assauts commandés par Nivelle, ce sont 30 000 hommes qui meurent en 10 jours, 100 000 sont blessés. Sur environ 3 500 condamnations prononcées par les conseils de guerre contre les soldats mutinés, il y eut 1 381 condamnations aux travaux forcés ou à de lourdes peines de prison et 554 condamnations à mort, dont beaucoup furent cependant amnistiées par Poincaré.Cent ans après le début de la première guerre pour le partage du monde entre puissances impérialistes, l’opprobre indigne jeté sur ces soldats n’est pas effacée. En 1998, dans un discours prononcé sur le plateau de Craonne, Lionel Jospin avait appelé à ce que « ces soldats fusillés pour l’exemple au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats réintègrent aujourd’hui pleinement notre mémoire collective nationale ». Sa déclaration avait suscité une levée de boucliers à droite pour qui la réhabilitation n’était « pas le meilleur exemple à donner » ! Aujourd’hui encore, il se trouve des associations pour refuser une réhabilitation collective de tous les fusillés. « Une solution inenvisageable » pour l’UNC (Union nationale des combattants). « Sur les monuments aux morts, les noms de violeurs seraient alors au côté des noms de soldats morts pour la France. C’est impensable », ose affirmer le général Schmitt ! L’État de la bourgeoisie, ses serviteurs galonnés ont la haine et la morgue tenaces.

Cléments avec les criminels !Par contre, ils ont fait preuve de la plus grande mansuétude à l’égard des dirigeants politiques de l’époque, les Clemenceau et autres responsables de « cette guerre infâme ». Ils n’ont jamais songé à sanctionner ces généraux qui, par aveuglement ou pour leur seule gloire personnelle, par mépris des poilus, simples ouvriers et paysans, ont envoyé à la mort des vagues d’assaut entières. Ils étaient pourtant coupables de crimes de masse. Jaurès avait raison quand il disait dans son dernier discours, à Lyon, le 25 juillet 1914, peu avant d’être assassiné : « Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. »

Yvan Lemaitre

« Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, car c’est pour eux qu’on crève. Mais c’est fini, car les troufions vont tous se mettre en grève. Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, de monter sur l’plateau, car si vous voulez la guerre, payez-la de votre peau ! »La chanson de Craonne (chanson anonyme de 1917)