Publié le Lundi 14 octobre 2024 à 19h00.

Enfants de Gaza

Une petite fille de 9 ans assassinée par les bombes israéliennes n’est pas un dommage collatéral. Elle est victime d’un crime de guerre. Cet assassinat d’enfant, ce crime de guerre, se répète 46 fois par jour en moyenne à Gaza depuis un an. 17 000 enfants ont été assassinés par Israël.

À Gaza, les enfants font des testaments. La semaine dernière, on a retrouvé dans les décombres de sa maison le testament de Rasha, 10 ans, assassinée par l’armée d’occupation le 1er octobre. « Que l’on donne mes vêtements à ceux qui en ont besoin et mes affaires à mes cousines », avait-elle écrit.

D’après l’ONU, la bande de Gaza est l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant. Dès novembre 2023, l’UNICEF disait de Gaza que c’était un « cimetière pour enfants ». Chris Gunness, ancien chef de l’UNRWA, parle d’« abattoir à échelle industrielle ». En un an, à Gaza, 171 bébés sont nés et morts sous les bombes, et 710 bébés de moins d’un an ont été assassinés.

L’enfance anéantie

À Gaza, les enfants n’apprennent plus à peindre, à lire, à faire du vélo, ils apprennent à survivre. La violence extrême, la terreur constante, le cataclysme et la destruction incessants, le déplacement, la faim, la perte, la dévastation, la confrontation à la mort : voilà ce que vit au quotidien un enfant de Gaza.

Un an de bombardements israéliens et de blocus total ont anéanti l’enfance. Susan Abulhawa rapporte ces propos fréquemment entendus dans la bouche des enfants : « Je veux mourir. Mais après la guerre. Je ne veux pas finir déchiqueté ». Ils ont perdu leur maison, leur école, leur quartier, des proches, et l’insouciance et le sentiment de sécurité auxquels ils ont un droit inaliénable. Ils ont tout perdu, jusqu’à l’idée de l’avenir. « Ils vont nous détruire en même temps qu’ils détruiront Rafah », a dit Hanan, 7 ans, en mai dernier.

26 000 orphelinEs

Avant le 7 octobre, 500 000 enfants avaient besoin un accompagnement psychologique, traumatisés par les guerres successives et les bombardements intempestifs qui rythmaient déjà leur vie. Aujourd’hui, à Gaza, 26 000 enfants au moins sont orphelinEs, dont 17 000 seulEs survivantEs d’une famille entièrement décimée. Au moins 50 000 enfants nécessitent une médication de toute urgence pour dénutrition sévère. Dix enfants sont amputés tous les jours. 80 % des blessés sont des enfants. « Je rêvais de devenir docteur ou maîtresse quand je serais grande. Maintenant, ce que je veux, c’est mourir. Nous attendons seulement de mourir. Nos vies sont devenues la mort », ainsi s’exprime Maïssa, 10 ans, orpheline, blessée à la tête par un éclat d’obus qui l’a rendue aveugle.

En plus des 17 000 enfants assassinés dont on connaît les noms, morts sous les bombes ou visés à la tête par des snipers, Save the Children estime à 20 000 le nombre d’enfants portéEs disparuEs – c’est-à-dire déchiquetéEs au-delà de l’identification, ou littéralement pulvériséEs, ou enseveliEs sous les décombres, ou jetéEs par l’armée génocidaire dans des charniers, ou enlevéEs par l’occupant. Dans des milliers de cas, nous ne saurons jamais ce qui est arrivé à ces enfants. Mais tous avaient un visage, une histoire, des souvenirs, une famille, des rêves, des parents qui les aimaient, des grands-parents qui les choyaient, des frères et sœurs avec lesquels ils se chamaillaient et jouaient.

Impunité

Pas une personne n’a été inquiétée pour l’assassinat méthodique des enfants de Gaza. L’armée d’occupation continue le carnage, continue d’empêcher l’accès aux soins et à la nourriture – l’extinction par les bombes et la famine de toute une génération en toute impunité. Honte à Israël, honte aux États-Unis, honte au Conseil de sécurité, honte à nous tous qui n’arrivons pas à stopper le génocide.

Mercredi 2 octobre, Israël a bombardé l’orphelinat al-Amal de Gaza-Ville. Dans l’indifférence générale. Mardi 8 octobre, Israël a ordonné l’évacuation, notamment, de l’hôpital Kamal Adwan, dernier hôpital doté de couveuses avec respirateurs.

Je voudrais terminer par une pensée pour ces dizaines de parents qui arrivent chaque jour à l’hôpital, leur enfant dans les bras, à qui les médecins disent qu’ils ne peuvent pas le sauver. Une pensée aussi pour Farah, petite fille de 6 ans, qui a survécu à trois guerres, à un an de génocide, qui a d’abord perdu sa mère, puis ses frères et sœurs, cet hiver, puis sa jambe, puis son père, puis la vie, la semaine dernière.

Marie Schawb