Nous entendons parfois des gens dire, par souci d’atténuer l’impact de ce que l’État d’Israël a fait depuis l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », que de toutes façons il commettait des crimes quotidiens et menait des guerres périodiques, de sorte que son nouvel assaut sur Gaza ne serait rien d’autre que la poursuite de cette vieille tradition permanente.
Il est vrai, bien sûr, que le crime et l’agression sont deux piliers fondamentaux de l’État sioniste en tant qu’État de colonialisme de peuplement, fondé sur la guerre et le « nettoyage ethnique ». Néanmoins, minimiser l’agression actuelle contre Gaza et nier qu’elle soit qualitativement distincte de toutes les tragédies antérieures que le peuple de Palestine a subies depuis la Nakba jusqu’à ce jour, converge avec les sophismes que les sionistes et leurs partisans tentent de répandre en prétendant que les chiffres du nombre de morts provenant de Gaza sont exagérés à des fins de propagande.
La vérité est que l’agression actuelle contre Gaza constitue, de la manière la plus claire possible, une guerre génocidaire qui comprend des meurtres de masse et un « nettoyage ethnique », deux crimes contre l’humanité dans la classification du droit international. Ces crimes dépassent qualitativement tout ce qui a été commis par les forces armées sionistes depuis 1949 jusqu’à aujourd’hui et sont comparables à ce qui s’est passé pendant la Nakba. Ils dépassent même cette dernière en termes d’intensité de meurtre, destruction et déplacement. La Nakba de 1947-1949 était une guerre visant à s’emparer de la terre de Palestine et à y pratiquer un « nettoyage ethnique », au cours duquel l’écrasante majorité de la population du territoire occupé a été transformée en réfugiés, tandis qu’un nombre d’entre eux estimé à plus de 11 000 a été tué, sur environ 1,3 million d’habitants arabes de la Palestine de l’époque.
Rythme des bombardements et poids des bombes
Quant à l’agression actuelle contre Gaza, elle a jusqu’à présent, en moins de sept semaines, causé environ 15 000 morts, au bas mot, sur environ 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza, dont plus de la moitié ont été déplacés du nord de la bande vers le sud, en vue de leur déplacement hors de Palestine, comme le souhaitent les cercles sionistes d’extrême droite, ou du moins leur rassemblement à la frontière égyptienne dans des camps de réfugiés qui serviraient de camps de concentration sous la supervision de l’armée israélienne. Et ce ne sont là que les résultats de la première phase de l’agression sioniste, qui a visé la partie nord de la bande de Gaza et devrait être suivie d’une deuxième phase axée sur la partie sud, ce qui aggraverait considérablement le nombre des victimes.
Cela se produit dans le cadre d’une folie meurtrière et destructrice qui dépasse tout ce qui a été observé dans les guerres que le monde a connues depuis le largage des bombes atomiques sur le Japon en 1945. La situation a atteint un point tel que le New York Times en a révélé l’horreur, bien que le gouvernement américain soit directement complice de l’agression. Ce fut dans un article signé Lauren Leatherby, publié le 25 novembre, sous le titre « Les civils de Gaza, sous le tir de barrage israélien, sont tués à un rythme historique » (« Gaza Civilians, Under Israeli Barrage, Are Being Killed at Historic Pace »). L’autrice de l’article explique qu’il ne s’agit pas seulement du rythme des bombardements, qui se sont élevés à 15 000 frappes jusqu’à la trêve actuelle, mais aussi de leur type, car Israël utilise massivement des bombes de 2 000 livres (900 kilogrammes), rarement utilisées depuis la Seconde Guerre mondiale et les guerres de Corée et du Vietnam.
Le rapport cite des responsables militaires américains qui affirment qu’ils n’ont presque jamais utilisé un tel calibre au cours du siècle actuel, et qu’ils ont même évité d’utiliser des bombes de 500 livres parce qu’elles sont trop grosses pour être larguées sur des zones urbaines peuplées, comme Mossoul en Irak ou Raqqa en Syrie, au cours de la guerre contre Daech. Pendant la bataille de Mossoul, qui a commencé en octobre 2016 et a duré neuf mois, 10 000 personnes environ ont été tuées entre victimes de Daech et victimes de la coalition internationale menée par les États-Unis, soit les deux tiers du nombre des personnes tuées par la campagne israélienne à Gaza en moins de sept semaines.
Ce qui rend ces chiffres encore plus graves et horribles, c’est que près de 70 % des personnes revendiquées par la machine génocidaire sioniste à Gaza sont des femmes et des enfants, un pourcentage énorme sans équivalent dans aucune guerre contemporaine. Le rapport du New York Times indique que le nombre d’enfants morts sous les bombes israéliennes à Gaza au cours des sept dernières semaines dépasse le nombre total d’enfants tués l’année dernière dans l’ensemble des guerres en cours de par le monde, y compris la guerre en Ukraine qui a commencé en février 2022.
Gravité du soutien apporté par les gouvernements occidentaux
Un autre rapport publié par le Washington Post le 13 novembre indique que le nombre d’enfants tués par Israël à Gaza au cours du premier mois de son bombardement démentiel a dépassé le nombre d’enfants tués dans les guerres au Yémen et en Irak, et équivaut à un tiers du nombre d’enfants tués au cours des dix années de guerre en Syrie. Le journal a comparé les 4 125 enfants tués à Gaza en un mois au nombre moyen d’enfants tués en un mois de combat en Irak (19), au Yémen (41), en Afghanistan (56) et en Syrie (100). Ce n’est un secret pour personne que le meurtre d’enfants, en particulier, est une caractéristique flagrante du génocide, car il témoigne de la volonté d’anéantir le peuple ciblé.
Toutes ces données démontrent l’extrême gravité de la guerre génocidaire menée par l’État sioniste contre la population de Gaza depuis l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ». Cela n’est pas surprenant, car la grande soif de vengeance générée chez les Juifs israéliens, combinée à la présence de l’extrême droite sioniste au pouvoir, rendait cette violence démentielle très prévisible. L’affaire était facile à anticiper, et c’est pourquoi la gravité du soutien apporté par les gouvernements occidentaux à l’assaut sioniste sous le prétexte du prétendu droit d’Israël à « l’autodéfense » (le nombre de personnes qu’il a tuées jusqu’à présent est plus de dix fois supérieur à celui des victimes du déluge d’Al-Aqsa) – un soutien qui est allé jusqu’à rejeter l’appel au cessez-le-feu, outre le fait que les États-Unis, l’Allemagne et d’autres pays ont envoyé des renforts militaires en Israël et en Méditerranée orientale pour soutenir l’assaut israélien – est vraiment immense. C’est la première fois depuis le milieu du siècle dernier que ces gouvernements soutiennent ouvertement une guerre génocidaire. Ce qui est encore plus grave, c’est la complicité des gouvernements des pays arabes qui se sont abstenus jusqu’à présent d'utiliser l’« arme » du pétrole alors qu’ils savent bien qu’elle constitue le moyen de pression le plus fort en leur possession pour venir au secours du peuple de Palestine. En effet, les pays occidentaux craignent aujourd’hui le retour à la hausse des prix du pétrole, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi et surtout parce que cela servirait les intérêts de la Russie quant au financement de sa guerre contre l’Ukraine, au moment où elle est confrontée à des difficultés à cet égard.
Traduit de la traduction anglaise faire par l’auteur sur son blog (https://gilbert-achcar.net/zionist-genocidal-war) de l’original arabe paru dans le journal Al-Quds al-Arabi le 28 novembre.