Publié le Mercredi 22 septembre 2021 à 22h49.

Les questions décisives du Congrès PSOL

Roberto Robaina écrit sur les trois questions centrales pour le déroulement du VIIe Congrès du PSOL dans Movimento revista.

Un congrès est un moment de définition des orientations. C'est l'instance la plus importante, le moment où le parti définit ce qu'il est, en particulier le rapport de forces entre les différentes tendances de la pensée, ce qu'il veut être, le bilan de ce qui a été et les perspectives de ce qu’il est à venir. Il est clair que ces définitions sont procédurales. Ils ne se produisent pas en même temps, dans un seul acte, ni même dans un seul congrès. Mais à chaque congrès, le parti se définit lui-même. Et il y a des congrès qui sont plus décisifs que d'autres. C'est le cas de celui qui s’annonce. C'est peut-être le plus décisif de l'histoire du PSOL depuis sa fondation. Quelles sont les questions décisives de ce congrès ? La réponse nécessite de savoir quelle période couvre la durée de validité de ses décisions, c'est-à-dire jusqu'au prochain congrès. Le prochain congrès du PSOL, s'il a lieu dans deux ans comme le prévoit la règle, aura lieu après les élections, donc dans un prochain gouvernement. Voyons donc quelles sont les trois questions centrales de ce congrès.

La première ne concerne pas seulement le PSOL. Il s'agit de la tâche qui rassemble des millions de personnes et unifie un grand nombre d'institutions et d’organisations : la lutte pour renverser le président génocidaire Bolsonaro. C'est la question la plus importante pour le pays, pour son avenir. Le PSOL se doit de ne pas mesurer ses efforts dans ce sens. Cette exigence doit orienter toute notre politique, notre stratégie et notre tactique.

La deuxième question, logiquement liée à la première, si les efforts pour renverser Bolsonaro ne donnent pas le résultat escompté, est celle de définir la tactique pour les élections de 2022. Sur le plan de la méthode, nous devons penser les élections en prenant en compte l'hypothèse d'une candidature de Bolsonaro. La troisième question concerne un problème dans lequel les variables sont encore beaucoup plus indéfinies, mais existent en tant que tendances et hypothèses : il s'agit de la relation du PSOL avec le prochain gouvernement. À ce stade, il est nécessaire de renforcer le fonctionnement du parti, ses règles et ses statuts.

Le congrès est l'organe souverain du parti. Il doit définir la position du parti par rapport aux gouvernements. Comme le prochain congrès (après celui des 25 et 26 septembre) n'aura lieu qu'après l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, quelle sera la position du PSOL ? Participera-t-il au gouvernement ? Sera-t-il opposition ? On ne peut pas définir avant de savoir quel gouvernement nous aurons. Mais vous voyez que le parti a cette question à résoudre si l'on tient compte du fait que le prochain congrès aura lieu des mois après l'entrée en fonction du prochain gouvernement national. L'une des façons de résoudre ce problème est de prêter une attention particulière à la direction qui sera votée pour diriger le parti. Après tout, d'un congrès à l'autre, c'est la direction qui dirige le parti. Mais il est également important de définir les paramètres et les principes qui doivent guider les décisions futures de cette même direction, et que cette direction ne peut quitter sans au moins un nouveau congrès.

Sur la première question clé du congrès, la campagne Fora Bolsonaro, il faut garder le sens des réalités et savoir que l’évolution de la situation ne dépend pas directement du congrès du PSOL. Il y a une unité dans le parti pour le Fora Bolsonaro, en ce sens, c'est déjà un point résolu. Il s'agit d'une unité évidente, mais il convient de souligner l'importance de l'unité. Unité dans l'objectif : renverser le gouvernement le plus rapidement possible. L'unité dans la méthode : conduire des mobilisations de rue largement unitaires. L'unité dans le mécanisme, en défense de la destitution (un impeachment voté par le parlement) ou en soutien de la décision du TSE (Tribunal Supérieur Electoral, qui invaliderait la victoire de Bolsonaro en 20180. Il ne s'agit pas de faire, dans ce texte, un bilan exhaustif de la lutte du PSOL pour le renversement du gouvernement. Ce bilan n’est pas le point central au Congrès, mais l’histoire est connue de tous, et nous revendiquerons la lutte des députés fédéraux du parti liée à notre thèse en faveur de l'impeachment. Nous avons été à l’origine de la première demande de destitution de Bolsonaro, avançant la bonne revendication au bon moment. Bien que l'actuel président du parti, issu du courant Primavera, ait refusé de s’associer à cette demande alléguant qu’elle était prématurée, elle a finalement été signée par le secteur qui regroupe aujourd’hui la majorité de nos élus fédéraux et par plus d'un million de personnes.

Au sujet de la campagne pour Fora Bolsonaro, il est aussi nécessaire de faire le bilan et de tracer des perspectives par rapport aux mobilisations de masses dans la rue : le parti doit-il toujours s’en remettre aux décisions du PT ou peut-il également mener des actions avec d'autres alliés, comme l'UP (unité Populaire), le PSTU (Parti Socialiste des Travailleurs Unifié) et le PCB (Parti Communiste Brésilien) ? Nous étions de ceux qui défendaient l'unité d'action sans subordination. L'existence d'un secteur plus déterminé à lancer des actions de rue a permis au mouvement de masse de passer à l’initiative à des moments où le PT ne voulait pas répondre. Mais nous ne nous attarderons pas sur ce point maintenant. L'important est qu’aujourd’hui tout le monde s’investisse dans l'appel à l'acte unifié du 2 octobre afin que nous puissions avoir l'action de masse la plus nombreuse pour le renversement du gouvernement. C'est cet effort uni qui compte maintenant.

Concernant la deuxième question décisive du congrès, la réponse que le PSOL donnera aux élections de 2022, c'est là un débat qui dépend exclusivement du congrès. Pour autant que nous le sachions, la décision selon laquelle la tactique électorale est commandée par la nécessité de battre Bolsonaro fait l'unanimité parmi les délégués élus. Je crois que, à juste titre, l’idée de prendre en compte l’hypothèse que Bolsonaro le génocide participera a ces élections prédomine. Cette décision s'exprime très clairement de la façon suivante : le PSOL soutiendra au second tour tout candidat qui s'oppose à Bolsonaro. C’est répondre au besoin numéro un du pays. C’est faire écho à la crainte légitime de millions de personnes que Bolsonaro puisse continuer d'une manière ou d'une autre. Cela doit être dit clairement dès le début, dès maintenant. Au second tour, notre engagement sera pour tout candidat qui n'est pas Bolsonaro. En outre, nous maintenons que, s'il y avait le risque qu’une candidature de gauche ou de centre-gauche, plus précisément, s'il y avait un risque que le nom de Lula soit éliminé au premier par un candidat directement bourgeois, nous serions en faveur d'appeler à voter pour Lula dès premier tour. Mais il est très clair que même ce risque n'existe pas. Et il n'y a absolument aucune marge pour que Bolsonaro remporte l'élection au premier tour. Ces questions doivent être clarifiées car la nouveauté de ce congrès est qu'une partie de la direction actuelle, aujourd’hui majoritaire, prétend, pour la première fois dans l'histoire du parti, renoncer à une candidature propre à la présidence de la République. Pour dire les choses telles qu'elles sont, ils veulent un blanc-seing pour négocier les conditions du soutien à Lula. Ils ne veulent pas que le congrès décide des tactiques électorales. Ils veulent laisser cette définition à eux-mêmes, dans la prochaine direction. Ce point, c’est évidemment un véritable scandale et une capitulation sans précédent. Il faut exclure cette possibilité.

Parmi les secteurs de la direction qui s'efforcent de soutenir la candidature de Lula depuis le premier tour, il y a au moins deux types. Un secteur qui s’exprime par des textes, tente de justifier, avance certaines conditions programmatiques et réclame un minimum de compensations électorales ; un autre qui soutient simplement Lula, sans condition, sans même donner par écrit les raisons de ce soutien. Nous comprenons bien pourquoi. Au bout du compte, tout simplement, ils soutiennent le programme, la stratégie et la ligne de campagne de Lula. Ils se présentent comme ses supporters sur les réseaux sociaux et tout au plus "exigent" la fin du plafonnement des dépenses, qui figure bien sûr déjà dans le programme du PT et de secteurs importants de la bourgeoisie.

Nous avons déjà discuté du fait que nous considérons ceux qui défendent la candidature de Lula comme l’expression d’un front uni, sur un programme de gauche et sans alliance avec la bourgeoisie comme des marchands de confusion et d'illusions. Si cela était possible, nous défendrions également cette tactique. Mais il a été prouvé, par 13 ans de gouvernements du PT et par les discours de Lula, que sa candidature est incompatible avec l'indépendance de classe et avec un programme de gauche. En tout cas, bien qu'ils défendent une politique qui sème la confusion et exige l'irréalisable, leur mérite est d'avoir un critère correct et programmatique pour définir les motifs d'un éventuel soutien. Si l'expérience était menée jusqu'au bout, la conclusion serait que le PSOL devrait avoir sa propre candidature précisément pour qu’un programme de gauche soit présent aux élections. Ce ne serait pas grave, car ce ne serait qu'une question de temps. La question est de savoir si ce secteur restera cohérent avec ses propres textes et n'oubliera pas le programme de la gauche comme condition préalable à la conformation du front de gauche (qui, pour être de gauche, devrait avoir au moins le programme de la gauche).

Plus récemment, il a été question que pour que le front soit conforme, le PT devrait se montrer généreux et retirer le nom de Haddad, en soutenant la candidature de Boulos au gouvernement estadual de São Paulo. Nous ne voulons pas entrer dans cette discussion ici car nous ne faisons pas partie de ceux qui cherchent à obtenir une compensation pour avoir soutenu Lula au premier tour. Nous enregistrons seulement deux points :

(a) La candidature de Boulos au gouvernement de São Paulo est effectivement très importante. Dans les derniers sondages, le nom de Haddad apparaît devant celui de Boulos, mais ce n'est pas une raison pour que le PSOL abandonne.

b) Nous ne croyons à la possibilité que le PT retire le nom de Haddad, et donc, ce serait affaiblir le parti, comme c'est déjà le cas, que de focaliser la discussion de l'alliance avec le PT sur ce point. C’est faire preuve d'un pragmatisme électoral qui se situerait au-dessus des intérêts de la classe ouvrière. Malgré cela, nous craignons que les camarades renoncent à leur exigence et finissent par accepter de soutenir Lula au premier tour sans aucune "compensation", pour reprendre leurs propres termes.

En tout cas, une question demeure : ne serait-il pas licite, parce que c’est un grand mouvement de masse contre Bolsonaro, de participer à la campagne de Lula dès le premier tour ? Ne serait-ce pas la chose la plus intelligente à faire ? C'est un débat valide, assurément, et c'est ce qui le motive. Nous pensons cependant qu'il n'est pas la meilleure chose à faire. Et encore moins que ce soit la raison des tactiques pro-Lula d'une partie de la direction. Pourquoi n'est-ce pas la meilleure chose à faire ? D'abord, parce que nous participerons en commun à la lutte dans les rues pour le Fora Bolsonaro, qui se poursuivra si le génocidaire ne tombe pas. Ce sera le slogan central de la campagne, la tâche fondamentale.

Deuxièmement, parce qu'en nous joignant au premier tour, nous perdrons la possibilité d'utiliser notre propre force pour frapper Bolsonaro, d'utiliser notre autorité contre le gouvernement, notre plateforme électronique et nos activités de campagne (en plus de pouvoir l'utiliser pour appeler à voter pour l’ensemble de nos candidats et contribuer à surmonter la clause barrière, un autre risque pour l'existence du PSOL). En soutenant Lula dès le premier tour, nous serions subordonnés au PT, laissant tout entre les mains de Lula, sur le discours duquel nous n'avons aucune prise (pas plus d’ailleurs que des secteurs importants du PT). En règle générale, ce sont des discours de conciliation de classe, de maintien du régime politique, de défense du bilan de ses propres gouvernements.

Mais le problème est encore pire : nous sommes dans un congrès où la partie de la direction qui soutient Lula n'est pas motivée par des raisons tactiques liées au mouvement de masse. Ils veulent soutenir d’abord afin de naturaliser leur future décision de participer au gouvernement et négocier de meilleures conditions pour cette participation avec le PT. Il est clair qu'ils sont dans le monde des illusions, puisque l'importance du PSOL dans un éventuel gouvernement Lula tendrait vers zéro. D'autre part, ils sont dans le monde des projets réformistes et des carrières individuelles, afin d'avoir une place au soleil dans la gestion de l'État bourgeois et de ses programmes capitalistes, que Lula s’engage à administrer avec plus ou moins de mesures sociales compensatoires, selon la conjoncture ascendante ou descendante du cycle économique (tout indique que nous serons dans une phase descendante, au moins au début). Ces secteurs veulent concrètement faire partie du gouvernement et réaliser, au mieux, la vieille maxime opportuniste : abandonner les objectifs historiques du prolétariat en échange d'avantages à court terme.

La décision de participer au gouvernement Lula serait une rupture avec la raison d'être du PSOL, un reniement des principes fondateurs du parti, à savoir le principe de l'indépendance de classe et de ne pas accepter de gouvernements en collaboration avec les partis de la bourgeoisie, mais pas une rupture d'une partie de la direction avec sa propre histoire, dans la mesure où cette partie de la direction n'était pas dans la fondation du parti et n’a rejoint le PSOL qu’après les impacts du scandale du mensalão. Nous ne faisons pas référence à tous les secteurs qui ont adhéré en 2006, mais à ceux qui ont défendu le leadership de Randolfe Rodrigues et qui ont érigé les gestions municipales de la ville de Macapá comme modèle de gouvernement. Rejoindre le gouvernement Lula est très loin de porter atteinte à leurs principes, ou, plutôt, à leur absence de principes. Heureusement, ce secteur est loin d'avoir atteint 50% des effectifs des délégués à ce congrès, ayant perdu force à partir du moment où Randolfe lui-même a quitté le PSOL. Suivi par le maire Clésio et soutien de la famille Alcolumbre lors des dernières élections municipales à Macapá. Donc, ce congrès doit soigneusement choisir la prochaine direction. Car, même avec moins de 50%, ce secteur cherchera à nouer des alliances pour augmenter sa force. C'est ce qu'ils feront, nous le savons déjà. Par conséquent, il est également nécessaire que le congrès établisse des paramètres et des principes concernant la relation du PSOL avec le prochain gouvernement, éventuellement s'il s'agit d'un gouvernement dirigé par Lula. Ce principe est que le PSOL ne doit pas participer à un gouvernement en commun avec les forces de la bourgeoisie ou qui applique des programmes économiques capitalistes. S'agit-il d'un principe de base ? Est-ce un principe fondateur du PSOL ? Bien sûr. Mais c'est ce principe qui est remis en question par certains dirigeants. C'est lui qui est en menacé. C'est pourquoi ce congrès est si important. C'est la défense des principes du PSOL qui est en jeu. La défense des principes des anticapitalistes et des révolutionnaires.

Pour construire le PSOL, il est nécessaire d'affirmer la nécessité d'un projet indépendant qui, à partir de maintenant, défende un programme de revendications qui, partant du Fora Bolsonaro, défend, contre le chômage et la famine, la réduction de la journée de travail sans diminuer les salaires, le gel des prix des aliments et des carburants, l'encouragement de l'agriculture familiale avec des crédits bon marché, des aides techniques et une réforme agraire, ainsi que la défense des indigènes, des populations riveraines de L’Amazonie et des quilombos. Un programme qui défend l'audit de la dette publique et la nationalisation du système financier, dont la priorité sera d'encourager la production massive de logements populaires. Qui défend également des mesures radicales pour protéger l'Amazonie, en réprimant les activités criminelles dans la forêt, l'occupation illégale des terres et l'exploitation minière clandestine dans les zones protégées. Un projet qui encourage fortement le changement de la matrice énergétique et protège les biomes, des besoins qui ne peuvent être ignorés.

Affirmer également un programme de sécurité publique qui combatte la tuerie de notre jeunesse, en plus d'adopter des mesures basiques de contrôle social dans l'action de la police, comme les caméras de surveillance dans les uniformes, mais aussi garantir de meilleurs salaires pour les soldats, caporaux, sergents et lieutenants, encourage le développement des forces de police communautaires, et qui se refuse à céder la base des forces de police à l'extrême droite bolsonariste. Un programme qui indique clairement que la seule issue pour la classe ouvrière, pour tous les exploités et les opprimés, l'immense masse d'hommes et de femmes qui subissent les affres d'un système où la richesse de quelques-uns est rendue effective par la misère de l'écrasante majorité, est de s'organiser et de lutter pour leurs revendications, leurs intérêts et leurs droits. C'est dans ces luttes que le PSOL doit être. Cela doit être notre priorité, encourager l'auto-organisation et la confiance du peuple en lui-même.

Comme preuve que nous avons des tâches très concrètes à résoudre, pourtant minimales, après que des gouvernements se soient succédés en laissant la machine étatique intacte au service de la domination bourgeoise contre les militants qui luttent, il est urgent aujourd'hui, comme hier, de brandir un drapeau de la gauche socialiste en 1997, en 2004 et maintenant de nouveau : « Liberté pour Zé Rainha. Se battre n'est pas un crime ».