Un vote de classe... La bourgeoisie européenne et la grande majorité de la bourgeoisie britannique ont fait une campagne acharnée en faveur du « Brimain » (rester dans l’UE). Comme pour tous les référendums sur l’UE, la bourgeoisie a tenté d’intimider la population pour qu’elle vote « bien », c’est-à-dire conformément à ses intérêts...
Malgré cela, les deux tiers des travailleurEs du Royaume-Uni ont voté pour le Brexit, alors que les bourgeois et les cadres ont massivement voté pour le Brimain.
L’UE est une machine de guerre contre les travailleurEs
Dans la conscience des travailleurEs au Royaume-Uni comme ailleurs, on perçoit les effets de la crise du mouvement ouvrier, le poids des idées fausses et des préjugés xénophobes. Ils doivent être combattus. Mais il n’en reste pas moins que l’UE est perçue à juste titre par la masse des travailleurEs comme une machine de guerre contre leurs intérêts. L’UE est un cadre de coopération entre bourgeoisies pour faciliter le démantèlement des acquis sociaux. Rompre avec ce cadre ne règle en soi aucun problème, mais cela prive la bourgeoisie d’une arme qu’elle a perfectionnée depuis 60 ans. C’est une bonne raison de ne pas être neutre ou pire, de faire campagne pour le Brimain comme l’a fait une partie de l’extrême gauche britannique.
Quand le mouvement ouvrier déserte le combat contre l’UE… cela profite à l’extrême droite !
La campagne pour le Brexit a été dominée par l’aile souverainiste du Parti conservateur et par l’extrême droite (l’UKIP). Ils se sont saisis de l’aspiration légitime de la population à rompre avec un cadre anti-démocratique et anti-social pour l’emmener sur un terrain nauséabond, celui de la chasse aux immigrés, du repli sur soi. Mais ce serait une erreur pour l’extrême gauche de confondre l’aspiration à la démocratie, au refus des injonctions et des carcans de l’UE, avec le nationalisme xénophobe. Nous devons au contraire expliquer que ces aspirations sont perverties par l’extrême droite, et que la « souveraineté » à défendre est celle du pouvoir des travailleurEs, impliquant non seulement de rompre avec l’UE, mais aussi avec toutes les institutions du capital. Notre internationalisme ne voit pas l’UE comme un progrès qu’il faudrait parachever.
Le Parti travailliste de Corbyn aurait du prendre la tête de la campagne pour le Brexit. Corbyn aurait alors été en position de force pour gouverner le pays. Mais il a fait campagne pour le Brimain, ce qui l’a coupé de sa base ouvrière du nord de l’Angleterre ou du Pays de Galles, qui du coup cède de plus en plus aux sirènes de l’UKIP.
Les deux plus grands partis d’extrême gauche (SWP et Socialist Party) ont eu raison de faire campagne pour le Brexit. Au lieu de faire la morale aux travailleurEs en leur expliquant que vouloir rompre avec l’UE, c’est être raciste ou faire le jeu de l’extrême droite, ils se sont appuyés sur leur conscience de classe élémentaire qui leur fait rejeter l’UE pour la faire avancer vers l’anticapitalisme.
Le Brexit est un coup dur pour les bourgeoisies européennes
La bourgeoisie anglaise est affaiblie puisqu’elle perd l’appui de l’UE. En outre, le Brexit déstabilise les économies européennes et le spectre d’une nouvelle crise se profile. Le Brexit est en outre un point d’appui pour les travailleurEs des autres pays de l’UE. Les institutions de l’UE sont affaiblies, et les travailleurEs prennent conscience qu’il est possible d’en finir avec des constructions présentées comme indéboulonnables. Et affaiblir l’UE, c’est affaiblir toutes les bourgeoisies de l’UE, donc c’est faciliter notre lutte en France contre le patronat et le gouvernement.
Pas d’internationalisme sans rupture avec l’UE
Certains à l’extrême gauche nous expliquent que ces phénomènes de crise ne peuvent que profiter à l’extrême droite. Ils en tirent la conclusion qu’il faut faire bloc avec la bourgeoisie européiste au pouvoir pour sauver l’UE. C’est ce positionnement qui laisse les partis d’extrême droite apparaître frauduleusement comme les seuls opposants aux gouvernements. Leur force tient en grande partie à notre faiblesse, notamment au refus de se saisir des questions concrètes pour les articuler à notre perspective anticapitaliste et internationaliste, celle d’un gouvernement des travailleurEs expropriant les capitalistes, reconstruisant l’économie pour satisfaire les besoins et refondant les relations avec les autres peuples vers une Europe socialiste des travailleurEs.
Gaston Lefranc