La victoire du Brexit est une nouvelle illustration de l’incapacité des bourgeoisies européennes et de leurs États à construire l’Europe autrement que comme une vaste zone de libre-échange. Ainsi, aujourd’hui, c’est pour préserver celle-ci au mieux de leurs intérêts réciproques que les dirigeants politiques britanniques et du reste de l’Europe négocient.
Theresa May, qui a pris la succession de Cameron et a fait campagne pour le « Remain », a la charge de mettre en œuvre cet arrangement « libre-échangiste ». Mais la victoire du Brexit a apporté de l’eau au moulin de toutes les extrêmes droites qui agitent l’épouvantail de l’Europe, de l’euro et de l’immigration pour détourner le mécontentement des couches populaires des véritables responsables de leur situation. Il accentue une crise politique que les apprentis sorciers qui dirigent les États ne contrôlent pas.
Les dirigeants de l’UE prennent maintenant argument de la victoire du Brexit pour s’engager à prendre en commun des mesures qui accentuent le côté antidémocratique, guerrier et réactionnaire de l’UE : cadenasser les frontières extérieures de l’Europe contre les millions de femmes et d’hommes qui sont contraints d’y chercher refuge, et développer une force de frappe commune qui permettrait à l’UE d’être au premier rang des puissances impérialistes. L’Allemagne vient d’annoncer en effet une augmentation de son budget militaire, certes très en deçà de celui de l’État français, mais avec une volonté de reconstituer des forces militaires qui lui permettraient d’intervenir ailleurs dans le monde comme le fait la France depuis longtemps contre les peuples.
C’est pourquoi il est bien difficile de comprendre ce que pouvait signifier un « Leave » ou un « Remain » « de gauche ». Soutenir le « Remain » parce que la priorité serait de combattre les forces d’extrême droite et la démagogie xénophobe avant son propre gouvernement et ceux qui coopèrent dans l’UE ? Ou bien, à l’inverse, soutenir le « Leave » parce que la priorité serait de combattre les gouvernements qui concertent leur offensive anti-ouvrière dans l’UE au prix d’une confusion totale avec le Brexit xénophobe des Johnson et des Farrage ? On voit bien à quelle absurdité mène ce raisonnement étapiste.
Face à l’Europe du capital, le repli national, un piège
Contrairement à ce que ses dirigeants prétendent, l’Union européenne n’est en rien une protection pour les populations. Pas plus pour les populations européennes qu’elle contribue à soumettre aux intérêts des multinationales dans le cadre de la mondialisation capitaliste que pour les peuples qui subissent l’exploitation des multinationales et les interventions impérialistes destinées à maintenir l’ordre de ces dernières.
Mais face à l’Europe capitaliste, il n’y a pas d’issue dans le repli national. Il serait dangereux de croire que le retour aux frontières nationales, à ce que certains appellent la souveraineté nationale, offrirait la moindre protection contre cet ordre impérialiste. Il est illusoire de croire qu’un plan B – une sortie de l’UE parce que la Commission européenne, le FMI et la BCE veulent imposer l’austérité exigée par les marchés financiers pour le remboursement de la dette publique et l’octroi de nouveaux prêts – serait une issue pour les travailleurs. Ce serait être dupe du nationalisme qui prétend qu’exploiteurs et exploités, travailleurs et capitalistes, auraient des intérêts communs.
Construire une conscience de classe internationaliste
La lutte contre l’austérité n’est pas une simple lutte syndicale mais bien une lutte globale, politique, qui remet en cause les fondements mêmes du capitalisme. Elle exige des travailleurs une claire conscience de leurs objectifs et de leurs tâches. Elle dépend de leur capacité à se mobiliser et s’organiser pour défendre leurs droits, imposer l’annulation de la dette publique, l’expropriation du secteur financier pour créer un monopole public de crédit, sans attendre une quelconque solution par en haut. Elle dépend de leur degré d’affranchissement par rapport à toutes les politiques de la bourgeoisie, leur conscience d’avoir des alliés au-delà des frontières et un ennemi dans leur propre pays. En se heurtant aux institutions européennes, les travailleurs ainsi mobilisés appelleraient les travailleurs des autres pays à mener ensemble ce combat et à lutter pour une Europe des travailleurs et des peuples.
Galia Trépère