Publié le Mercredi 20 juillet 2016 à 11h37.

Pour une Europe au service des peuples, comment combattre l’Union européenne ?

Certains ont présenté le Brexit comme un vote de classe, le vote des exploités et des opprimés contre celui des possédants, de la City et de la grande majorité de la bourgeoisie anglaise, un vote de déstabilisation de l’Union européenne...

Que le « Leave » ait rassemblé la majorité des salariéEs, des couches populaires en Angleterre est indiscutable. Qu’il témoigne d’un rejet massif parmi elles des politiques imposées par les élites, dont celles de l’UE, cela est certain aussi. En Grande-Bretagne, les travailleurEs connaissent le chômage et la misère, face à l’insolente prospérité des banquiers de la City.

Cela ne fait malheureusement pas du Brexit un vote de classe, car politiquement, ce vote a été entièrement structuré et argumenté par les ténors du Parti conservateur et de l'UKIP. Loin de tracer des perspectives de lutte contre l’austérité et l’Europe capitaliste, ils ont au contraire combattu pour plus de libéralisme, plus d’austérité, mais avec une voie nationale, « thatcherienne ». Leur principale cible était les travailleurs de l’Europe de l’Est (essentiellement Polonais) stigmatisés comme responsables de la crise.

Les classes dominantes européennes toujours à l’offensive

Le Brexit provoque une nouvelle accélération dans la crise de l’UE, cela est certain, et les banquiers et hommes d’affaires de la City ont fait grise mine le soir de résultats qu’ils n’attendaient pas. Mais en Grande-Bretagne, ce vote se traduit par de nouvelles pertes de pouvoir d’achat pour la classe ouvrière, une recrudescence des actes racistes contre les travailleurs d’Europe de l’Est et de nouveaux avantages accordés aux grandes sociétés pour leur maintien à la City.

Les classes dominantes européennes sont sorties de ce vote affaiblies et divisées sur le terrain institutionnel, mais elles sont toujours convergentes sur l’utilisation de toute opportunité pour augmenter la pression sur les couches populaires.

Les arguments de gauche pour le Lexit sont souvent revenus à la politique du coup de pied dans la fourmilière : « Cela va affaiblir l’UE et donc nous renforcer ». Mais il n’y a pas de dynamique objective positive au rejet de l’UE. Tout dépend de qui tient le manche…

Le rejet des politiques de l’UE dans toutes les consultations récentes en Europe est indéniable, tout comme, en général, l’affaiblissement des partis gestionnaires de l’UE : les dernières années ont vu l’érosion de tous ces partis au Portugal, dans l’État espagnol, en Italie, en Grèce, en Autriche… Mais il est faux d’avoir la logique simpliste de dire que « tout ce qui les affaiblit nous renforce ». Ainsi les différents référendums qui ont sanctionné l’UE ne se valent pas, le Brexit anglais en 2016 n’est pas porteur de la même signification que le « Non » français au Traité constitutionnel européen en 2005, et encore moins que le « Oxi » grec en 2015.

Pour un projet de rupture de classe

Nous ne devons avoir aucune hésitation à combattre frontalement l’Union européenne, ses traités et ses institutions. Et nous ne pleurons pas de voir que les votes récents et notamment le Brexit ouvrent une nouvelle phase de crise institutionnelle. Mais pour être efficace dans la contre-offensive à laquelle nous travaillons pour notre camp social, il faut que nous répondions à une question essentielle : comment peser pour qu’une aggravation de la crise nous mette en meilleure position ? Nous ne croyons pas que la perspective à creuser relève d’une vision étapiste : d’abord l’effondrement de l’UE, permettant le retour à un terrain de lutte national dans lequel parviendrait à s’exprimer dans de meilleures conditions la souveraineté populaire et le combat des travailleurs.

Nous nous prononçons pour une « souveraineté populaire », ce qui est différent du retour à une prétendue « souveraineté nationale », transcendant les intérêts de classe et divisant les travailleurEs d’Europe. Et cette souveraineté populaire doit s’appuyer immédiatement sur une mobilisation populaire à l’échelle nationale et transnationale, sinon elle a toutes les chances de se fracasser sur les outils des classes dominantes et de sombrer dans un nationalisme, nouvelle impasse désastreuse.

Il s’agit bien de redéfinir dés le départ, et de rendre crédible un projet de rupture de classe, liant les mesures anticapitalistes radicales et immédiates, les ruptures institutionnelles avec les mécanismes de l’UE, dans un projet internationaliste, celui d’une Europe au service des peuples, de tous les exploitéEs et des oppriméEs qui la composent, et de ceux qui lui sont liés par l’histoire et par des accords la plupart du temps iniques.

Léon Crémieux et Christian Varin