Le comité central puis le congrès permanent (composé des délégués au congrès de 2013) avaient été convoqués le 3 janvier 2015 pour adopter les listes de candidats et le programme de Syriza en vue de l’élection du 25 janvier. Nous reproduisons ici un article tiré du n° 327 (7 janvier 2015) du journal de DEA, « Gauche Ouvrière ».1
Face à une bataille décisive décrite dans SYRIZA, toutes tendances confondues, par des termes tels que « guerre » ou « affrontement », la révision de… l’arsenal du parti, lors des travaux du CC et du congrès permanent qui a suivi, présente des aspects positifs mais aussi de nombreux points noirs.
Les aspects positifs tiennent dans la confirmation des engagements programmatiques fondamentaux, sur quatre points essentiels (en dépit des « arrondissements d’angles » du discours de Tsipras) : premièrement, l’abolition du mémorandum n’a rien à voir avec la négociation avec les créanciers, elle est le « droit du peuple grec ». Deuxièmement, la réalisation des engagements de la Foire internationale de Thessalonique interviendra immédiatement et n’est pas non plus liée à la négociation avec les créanciers. Troisièmement, fin de la Troïka et des mémorandums sans prolongation du régime mémorandaire. Quatrièmement, la négociation avec les créanciers ne concerne que la dette et l’accord de prêt, l’objectif étant l’annulation de la plus grande partie de la dette.
Mais au-delà, le bilan n’est absolument pas encourageant…
1. Démocratie dans le parti. Le CC a été convoqué après plus de trois mois, il n’était donc pas « moins une », mais « plus une ». Au-delà du point de cristallisation majeur qu’est la constitution des listes (où la direction centrale a poussé par tous les moyens au renversement des décisions de congrès), la question du bouleversement du programme de Syriza sur des points centraux a été posée. Bien que – paraît-il – depuis deux ans des centaines de cadres s’occupent de la formation du programme gouvernemental et bien que le plan qui en découle devait être présenté au CC et discuté depuis le 10 novembre, nous avons eu droit à une « soupe » bâclée de 130 pages, pour finalement aboutir aux points qu’A. Tsipras a présenté dans son discours. Le congrès permanent lui-même a été annoncé sans que le CC le décide (contrairement aux statuts), ni même le bureau politique du parti. Et tandis qu’A. Tsipras poussait et parvenait à éviter un vote du CC, afin de faire du congrès permanent une manifestation festive d’ouverture de la lutte électorale, tard dans la soirée du samedi la direction centrale imposait de facto la tenue d’un vote indicatif pour l’adoption… du programme de gouvernement.
Ces pratiques, non seulement portent atteinte à toute idée de démocratie dans le parti, non seulement humilient et rabaissent des cadres du parti qui malgré la neige étaient descendus de toute la Grèce à Athènes pour se trouver confrontés à cette procédure douteuse, mais elles révèlent l’imposition de pratiques renvoyant à la période de dégénérescence sociale-libérale du PASOK en machine électorale caporaliste.
2. Alliances. Le grand fait positif de la dispute interne sur cette question est que le danger d’intégration sur les listes de Syriza d’éléments dirigeants de Dimar, groupe qui constitue un maillon important du centre gauche social-libéral, a été tenu en échec. Mais dans le même temps, ont été imposés les choix de la direction centrale concernant l’ouverture aux cadres de différents « cercles » du Pasok (Accord social de Louka Katseli, Voudouris, Parastatidis, mais aussi Tzakri)2, ainsi que des cadres du centre-droit (Makri, Giatagana)3.
3. Programme. En-dehors des aspects positifs évoqués plus haut, il y eut d’importantes modifications ou omissions. Sur les banques notamment, la position du discours de Tsipras révèle une profonde modification : « Nous protégeons le système bancaire dans le cadre de la BCE et garantissons les dépôts des citoyens grecs. » Quant aux privatisations et à la reconstruction (socialisation) des entreprises et organismes publics, il n’en a pas été fait une seule fois mention !
C’est dans ces conditions que nous marchons vers la grande aventure politique des élections, de la très probable victoire électorale et du gouvernement de Syriza avec une « balance » incertaine entre le danger et l’opportunité. Une « balance » qui sera déterminée dans la lutte elle-même, par les forces vives politiques et sociales qui lui donneront en conscience son caractère décisif. Au cours de la marche aux élections, et au-delà de celles-ci.
Par Panos Kosmas
P.S. : il a été révélé que le slogan « L’avenir a commencé » (qui trônait sur la banderole centrale du congrès permanent) est un plagiat du spot électoral du Pasok aux élections de 2000, qui avait Simitis4 pour acteur principal. La portée politique et symbolique de ce choix n’est certainement pas sans importance de la part de certains.
Notes
1 L’auteur est membre du comité central de Syriza et de la direction de DEA. Article traduit du grec et annoté par Emil Ansker.
2 Louka Katseli : ancienne députée et ministre Pasok sous le premier gouvernement mémorandaire de Georges Papandreou, exclue de son parti en 2011 pour avoir refusé de voter le second mémorandum. Odysseas Voudouris : député Pasok proche de Papandreou, fervent défenseur du premier mémorandum, vote contre le second mémorandum, est exclu du Pasok et rejoint Dimar en 2012. Theodoros Parastatidis : élu député Pasok en 2009, réélu en 2012, vote le premier mémorandum puis s’oppose aux deux suivants et est exclu du groupe parlementaire du Pasok. Theodora Tzakri : députée de longue date et ancienne ministre Pasok, elle vote la motion de censure proposée par Syriza contre le gouvernement Samaras en novembre 2013 et est exclue du groupe parlementaire du Pasok.
3 Rachel Makri : députée des Grecs Indépendants (Anel, souverainiste de droite), exclue en octobre 2014. Chrysoula Giatagana : députée Anel, démissionne du groupe parlementaire en mai 2014.
L’ensemble des députés cités sont candidats pour Syriza en janvier 2015.
4 Kostas Simitis :dirigeant du Pasok et premier ministre de 1996 à 2004, principal artisan de l’adaptation de la Grèce aux critères de Maastricht et de l’euro.