Publié le Samedi 25 mai 2024 à 09h00.

L’OST, l’autosupport et les luttes sociales par et pour les trans

Après seulement deux ans d’existence, la petite association Organisation de Solidarité Trans (OST) de Tours s’est constituée en association nationale le 1er octobre 2023 avec cinq sections en France. Retour sur la construction de cette association d’autosupport et de luttes trans.

Les personnes trans en France sont confrontées à des problématiques spécifiques liées à leur transition. Trouver des professionnels de santé adaptés n’est pas chose aisée. De même que changer son prénom d’usage au travail, sur son lieu d’études puis à l’état civil, mentionner le sexe. 

Entraide et soutien

Trouver des ressources locales sur toutes les éventuelles interventions médicales, administratives ou juridiques que peut nécessiter une transition est difficile et chronophage. Pour se faciliter la vie entre elles les personnes trans ont créé des associations et collectifs d’« autosupport », c’est-à-dire des associations composées de personnes trans qui aident les personnes trans. 

Ces associations existent surtout dans les grandes et moyennes villes de France ; elles font des listes de médecins prescripteurs, de chirurgiens, d’orthophonistes ou d’autres associations d’aides non-trans pour mieux aiguiller les personnes trans qui commencent leur transition. Ces associations collectent aussi des informations et du savoir-faire sur les procédures de changement de prénom et de mention de sexe au travail, dans les lieux d’études et à l’état civil, sur les moyens de transitionner en dehors des parcours médicaux, sur les moyens de faire des injections… Tout ce qui peut faciliter le parcours des trans au cours de leur transition. Ces associations sont aussi des lieux communautaires au sein desquels les trans se retrouvent pour échanger sans pression. C’est ce qu’est l’OST, entre autres, et c’est comme ça que l’association tourangelle a commencé.

Le besoin de se coordonner au niveau national

L’OST à Tours a débuté car il n’y avait plus rien pour faire de l’autosupport trans à Tours. Pour combler ce vide, des militantEs syndicalistes et d’ancienNEs militantEs d’associations trans se sont rassembléEs pour créer une association qui réponde aux besoins locaux des trans. Dès le début, fortEs de leur expérience de syndicalistes, les militantEs de l’OST évoquaient déjà l’idée de fonder une association nationale qui puisse lancer des sections dans de petites villes où il n’existe pas encore ­d’­association d’autosupport. 

Dès le premier congrès de l’OST en 2022 l’objectif est clair : l’OST doit devenir une association nationale. Des groupes de travail sont formés pour écrire des statuts et planifier l’organisation interne, plusieurs potentielles futures sections se forment déjà, notamment à Nîmes. Cette décision de se structurer nationalement se fonde sur plusieurs constats. D’abord, si une fédération trans-inter avait existé et rapidement disparu par le passé, aucune coordination réelle n’existait entre les très nombreuses associations d’autosupport de France. Les informations circulent par internet mais de manière assez réduite, sous forme de brochures quand elles existent et même si les situations sont très différentes dans chaque ville, certaines pratiques d’autosupport gagneraient à être mises en commun au niveau national pour que de nouvelles associations puissent s’en saisir facilement en se construisant, y compris dans les plus petites villes où les communautés sont plus petites. Il en va de même pour les luttes trans : des associations organisent tous les ans la marche de l’ExistransInter à Paris, les journées du souvenir trans dans quelques villes de France, mais il n’existe pas d’outil pour réagir de manière unitaire aux attaques de l’extrême droite et pour réclamer de nouveaux droits. Les militantEs entendent bien faire de l’OST cet outil, au moins pour quelques sections. Alors en octobre 2023 c’est le soulagement après un an de travail : l’OST est une association nationale avec cinq sections, à Tours, Nîmes, Lille, Orléans et Troyes. À l’heure actuelle, de nouvelles sections existent à Reims et Strasbourg, de nouvelles sections sont toujours en construction et le nombre de militantEs de l’OST croît doucement mais sûrement.

Des liens avec le mouvement social

Ce qui fait la spécificité de l’OST ça n’est pas simplement son ancrage national mais aussi sa ligne politique centrée autour du matérialisme et de l’amélioration des conditions matérielles de vie et de transition des personnes trans. Car si les trans doivent constituer des associations communautaires partout en France pour aider les trans en début de transition, c’est bien que l’État échoue dans sa mission de service public à assurer des conditions de vie décentes à ces personnes. 

C’est pourquoi l’OST ne se cantonne pas à l’autosupport mais s’investit dans les luttes sociales de plus long terme, pour réclamer des droits et des conditions de vie décentes pour les trans, pour lutter contre les attaques réactionnaires contre les trans mais aussi dans toutes les luttes qui composent le mouvement social, toujours avec un point de vue spécifique d’association trans. 

Car l’OST est résolument anticapitaliste, ses militantEs ne s’en sont jamais cachéEs et théorisent tout à fait la nécessité de sortir du capitalisme. En effet, les trans représentent une petite population discriminée, contrainte à la précarité par le capitalisme et le patriarcat. La difficulté qu’ont les trans à accéder à la transition, au niveau médical et administratif notamment, entraîne des discriminations, voire l’exclusion des trans du logement, de l’emploi et des aides sociales, et les contraignent à cette précarité. Les trans, et particulièrement les femmes trans, ont bien souvent des carrières hachées et de petites pensions. La boucle est bouclée : pour améliorer les conditions de vie des personnes trans, il faut faciliter et déjudiciariser les moyens de transitionner, et le capitalisme n’a que peu d’intérêt à aider concrètement des populations précaires qui peuvent servir de main-d’œuvre bon marché. Mais pour arriver à sortir du capitalisme à terme, il faut mener des luttes communes avec les acteurs du mouvement social. L’OST, qui s’est formée notamment avec des syndicalistes, s’est rapidement tournée vers le travail unitaire avec les syndicats et les partis et ainsi que les associations du mouvement social, milieu peu investi par les autres associations trans. L’OST et ses militantEs ­proposent toujours aujourd’hui des formations syndicales pour lutter contre la transphobie au travail et se mobilisent directement dans toutes les luttes anticapitalistes. 

L’association était ainsi bien présente lors des manifestations contre la réforme des retraites pour rappeler que les trans avec leurs carrières hachées allaient être particulièrement touchéEs par cette réforme antisociale.

Face aux attaques réactionnaires : des mobilisations à venir

Récemment, la frange réactionnaire du groupe parlementaire Les Républicains a sorti un rapport sur la « transidentification des mineurs » qui dénonce la « médicalisation » des mineurEs trans, suivi de près par une proposition de loi qui vise à interdire purement et simplement la transition des mineurEs. Cette proposition de loi est une attaque directe contre les mineurs trans sous couvert de protection de l’enfance. Depuis le 5 mai dernier, des rassemblements sont organisés dans toute la France pour les droits à la transition des mineurs. L’OST et les organisations trans appellent à une mobilisation unitaire le samedi 26 mai dans toute la France, non pas seulement contre la loi LR mais aussi pour la dépsychiatrisation, le remboursement et la déjudiciarisation des transitions ainsi que des moyens pour les services publics.

Sophie Bruyères et Alissa